3. Dix énoncés pour entrer dans l’apprentissage de la dissertation
Dans cette suggestion d’énoncés à soumettre aux élèves, la plupart répondent aux quelques critères
posés ci-dessus – et quelques-uns s’en écartent, puisqu’on a entraperçu ici ou là qu’ils pouvaient parfois
convenir à des activités très spécifiques (parce qu’ils « orientent » en partie les recherches des élèves) ou
qu’ils offraient une plus grande latitude aux élèves (notamment dans la mise au jour d’une thèse adverse et
la délimitation d’une problématique). Certains de ces énoncés sont par ailleurs proposés par des méthodes
d’apprentissage de la dissertation ; d’autres sont des « pioches » de notre cru.
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Dupuis, Grossen & Rychner,
Apprentissage de la dissertation
, séquence n°1 (
Analyse de l’énoncé
), brochure de l’élève, DIP
Genève, 2013 (7
e
éd.), p. 49.
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Voir le chapitre 1 intitulé « Le genre de la dissertation : une tentative de définition ».
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Par ailleurs, le fait qu’il existe par exemple de nombreux débats sur les rapports entre science et éthique ou morale tendrait à
montrer que, selon les contextes, et notamment les époques, on a très bien pu considérer que la science n’avait pas à
« s’embarrasser » de conscience...
Chapitre 2. Quels énoncés soumettre aux élèves ?
Apports théoriques
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« Quiconque aime vraiment renonce à la sincérité. »
(Edouard, personnage créé par André Gide, dans
Les Faux-Monnayeurs
, 1925)
« Tout ce qui est vivant est méchant. »
(Docteur Sérum, personnage créé par Lehman, Colin, Gess et Bessonneau dans la bande dessinée intitulée
La Brigade
chimérique
, 2009)
« Le travail libère l'individu. »
(Nicolas Sarkozy,
Journal de 20 heures
(France 2), 29 mars 2005)
« L’enfer est tout entier dans ce mot : solitude. »
(Victor Hugo,
La Fin de Satan
, 1886)
« Vivre libre, c’est souvent vivre seul. »
(Renaud, « Manu », 1981)
« La politesse, c’est l’indifférence organisée. »
(Paul Valéry,
Tel quel
, 1941)
« Le cinéma, c’est un divertissement d’ilotes, un passe-temps d’illettrés, de créatures misérables, ahuries par
leur besogne et leurs soucis. »
(Georges Duhamel,
Scènes de la vie future
, 1930)
« L’éducation, c’est la défense organisée des adultes contre les jeunes. »
(Mark Twain,
Les Aventures de Tom Sawyer
, 1876)
« L'amour n'est pas l'émotion la plus fondamentale [de la vie], c'est la peur. »
(Paul Bowles,
Libération
, 7 mars 1996)
« L’égalité, une chance pour les femmes comme pour les hommes. »
(Swissaid, brochure d’information, août 2015)
Chapitre 2. Quels énoncés soumettre aux élèves ?
Apports théoriques
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L’
ESSENTIEL EN BREF
Dans les premières étapes de l’apprentissage de la dissertation, les énoncés soumis aux élèves doivent
cumuler deux qualités en apparence contradictoire : la simplicité, et la complexité.
Par sa simplicité, l’énoncé doit garantir son accessibilité, afin que chaque élève puisse en saisir le sens,
focaliser son attention sur des zones précises de l’énoncé, et mener les tâches que l’on attend de lui
(rechercher des arguments, identifier un enjeu argumentatif). Pour cela, on privilégiera des énoncés
syntaxiquement simples – c’est-à-dire formés d’une seule proposition assertive – et thématiquement
proches de l’univers cognitif que l’on peut imputer aux élèves. De même, l’énoncé devrait exhiber plus ou
moins directement qu’il vise à poser un rapport d’implication entre deux notions (celle qui constitue le
thème et celle qui est au centre du propos). C’est le cas entre autres des énoncés attributifs, ou d’autres
énoncés que l’on peut paraphraser par la formule « A implique B ». Toutefois, il ne faut pas
nécessairement se priver de soumettre aux élèves des énoncés qui s’écartent de ces quelques principes.
En effet, certains énoncés syntaxiquement complexes – formés de plusieurs propositions –, soit parce
qu’ils balisent la réflexion, soit parce qu’ils ouvrent au contraire le potentiel d’interprétations du sens de
l’énoncé, peuvent notamment servir à des activités ciblées sur tel ou tel aspect de la procédure de
recherche d’arguments ou d’analyse de l’énoncé.
En ce qui concerne la complexité de l’énoncé, celle-là est censée conduire l’élève à réfléchir à certains
aspects sémantiques dont il n’aurait pas forcément conscience, à se détacher de discours par trop
« orthodoxes » qu’il pourrait avoir assimilés, pour adopter peu à peu une posture critique par rapport à ses
propres normes et croyances. La complexité de l’énoncé de dissertation repose donc sur une résistance
interprétative, sur l’expression d’un point de vue étrange, voire perturbateur. On choisira ainsi de
préférence des énoncés exposant une position paradoxale, attirant l’attention des élèves sur la pluralité
des significations et des points de vue qui investissent chaque mot d’une langue, et sur le fait que ces
significations plurielles sont souvent contradictoires et que les points de vue qui s’y rattachent doivent
alors être tenus pour relatifs. Il est également utile de proposer par moments aux élèves des énoncés qui
paraissent déployer un point de vue plus ou moins « doxique » et stéréotypé, pour lesquels la complexité
résidera dans l’effort à fournir pour voir ce point de vue comme un stéréotype. Cependant, il faut vérifier
au préalable que ces énoncés « doxiques » sont contestables, qu’ils laissent prise à la controverse, ce qui
est au fondement de toute entreprise argumentative.
Chapitre 3. Rechercher des arguments
Apports théoriques
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