Rédacteur en Chef :
J.C. POULIQUEN (Paris)
Rédacteur en chef-adjoints :
J. CATON (Lyon), G.F. PENNECOT (Paris)
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J. SALES DE GAUZY (Toulouse)
Editeur
Mars et Avril 2002 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours
Editorial
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J C Léonard et Ch. Morin nous font
revivre le temps de la tuberculose. Ce
fléau était tel que, dans la deuxième
moitié du XIXe siècle, des milliers de
lits avaient dû être créés pour soigner
ceux qui avaient, dans leur malheur, eu
la chance d’être dépistés. On apprend
que des convois entiers partaient de la
capitale pour un immense hôpital de
Berck où ne pratiquait qu’un seul chi-
rurgien pour 700 patients ! ! Très certai-
nement, on ne parlait pas de la RTT en
ce temps-là….
Victor Ménard force l’admiration à
maints égards. Comme les auteurs le
soulignent, il tenait probablement de
ses origines modestes et paysannes
tout son bon sens et sa modestie. Le
temps l’a injustement privé d’une plus
grande reconnaissance. Son cintre cer-
vico-obturateur lui a été subtilisé par
l’anglais Shenton comme nous le
racontent nos amis radiologues de
Berck. La costo-transversectomie a été
popularisée sous ce nom et non pas
sous celui de " voie de Ménard ". Même
son " liseré de deuil " s’est estompé …
avec l’utilisation des antibiotiques.
" Fugit irreparabile tempus ".
Il était donc important de rappeler cet
homme et cette vie pleine de sagesse et
d’honnêteté avant que tous les souve-
nirs se soient évanouis.
Un bond de plus d’un siècle nous
emmène depuis les premières radiogra-
phies effectuées vers 1901 dans une
clinique privée de Berck à la chirurgie
mini-invasive du rachis – un des
aspects de la chirurgie " high tech " -
dont Keyvan Mazda nous donne son
expérience déjà importante et acquise à
l’hôpital Robert Debré. Il s’agit là certai-
nement d’un progrès incontestable. Il va
obliger les plus jeunes qui voudraient
se consacrer tout ou partie à la chirur-
gie du rachis, à se former auprès des
plus aguerris. Parce qu’il faut bien en
être sûr, cette nouvelle façon de faire la
chirurgie du rachis ne peut bénéficier
au malade qu’au terme d’un long
apprentissage et qu’avec un nouvel état
d’esprit qu’il doit être difficile d’acquérir.
Les années 1970 qui avaient fait décou-
vrir la chirurgie antérieure du rachis,
avaient, pour ces mêmes raisons, été
enthousiasmantes pour toute une géné-
ration. Les plus anciens en gardent tous
encore le souvenir, voire en ressentent
une certaine nostalgie. Trente ans plus
tard, c’est une autre " voie " qui s’ouvre
et qu’il ne faut pas rater….
Du " rififi chez les mandarins ". La tri-
bune de la Gazette s’en réveille. La dis-
cussion a été suscitée par l’article
d’Henri Carlioz " Le temps plein hospi-
talier entre enthousiasme et désarroi "
paru dans le numéro 2 de Septembre
2001. Cet article évoquait l’évolution,
qu’il jugeait nécessaire, du statut des
PUPH. Jean-Philippe Cahuzac et
Gérard Bollini commentent ses propos
et Henri Carlioz leur répond dans ce
numéro.
Que tous ceux que ce problème ne lais-
se pas indifférents nous fassent part de
leur opinion.
Jean-Claude Pouliquen
A
NCIEN
P
RÉSIDENT DU
GEOP
Bureau du GEOP
Président :
J.P. M
ÉTAIZEAU
(Metz)
1er Vice-Président :
J.M. R
OGEZ
(Nantes)
2e Vice Président :
D. M
OULIES
(Limoges)
Ancien Président :
J. B
ÉRARD
(Lyon)
Secrétaire Général :
B. de B
ILLY
(Besançon)
Secrétaire Adjoint :
S. G
UILLARD
-C
HARLES
(Nantes)
Trésorier :
D. M
OULIES
(Limoges)
Membres du Bureau
G. B
OLLINI
(EPOS)
C
H
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LORION
(CFCOT)
M. R
OBERT
(SFCP)
C. R
OMANA
J. S
ALES DE
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AUZY
J.F. M
ALLET
P. L
ASCOMBES
Qui était-il ?
Victor Ménard
(1854-1934)
J.C. Léonard, Ch. Morin
(Bercq sur Mer)...............p. 1
Le cintre obturateur
de Ménard
A. Delvalle, F. Delaunay,
P.M. Delforge, H. Leclet,
C. Morin
(institut Calot
Bercq sur Mer) .................p. 4
La chirurgie
endoscopique
du rachis de l’enfant
et de l’adolescent
K. Mazda...........................p.4
Une curieuse hanche
raide et douloureuse
C. Cadilhac
(Paris)................................p. 6
Carlioz m’a tué !
«Tous PH à Valence»
J. Ph. Cahuzac (Toulouse)
G. Bollini (Marseille)......... p. 7
Réponse à Jean
Philippe Cahuzac et
Gérard Bollini
H. Carlioz......................... p. 8
La Gazette
La Gazette
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N°4
SAURAMPS MEDICAL
S.a.r.l. D. TORREILLES
11, boul. Henri IV
34000 Montpellier
Tél. : 04 67 63 68 80
Fax : 04 67 52 59 05
« La moins desdeignable condition de
gens me semble estre celle qui par sim-
plesse tient le dernier rang... Les meurs
et les propos des paysans, je les trouve
communéement plus ordonnez selon la
prescription de la vraie philosophie,
que ne sont ceux de nos philosophes.»
Montaigne. Les Essais II 17.
Comme le souligne un de ses arrière-
petit-fils, Victor Ménard fut un tra-
vailleur brillant, cartésien, sans ostenta-
tion, fuyant les mondanités médicales,
avec pour seul objectif soigner,
soulager avec rigueur, ingéniosité et
générosité. Le fléau du moment était la
tuberculose frappant principalement les
populations pauvres des grandes villes,
Paris en particulier. Nous allons montr-
er le combat engagé pendant 30 ans,
sans relâche, par cet homme aux orig-
ines terriennes et aux engagements
sans sinuosités.
Le paysan de Paris
Victor Ménard (Fig. 1 et 2) est né le 23
juin
1854
à
Saint-Laurent-de-
Terregatte, près d’Avranches (Manche),
au lieu dit des Hauts-Vents, d’un père
laboureur et d’une mère «laboratrice»
selon l’acte de naissance. Voici donc
des racines profondes qui vont influ-
encer toute sa vie d’homme et de
médecin.
De 1866 à 1869, il fréquente le collège
Saint James à Avranches, puis de 1869
à 1873, il poursuit ses études au petit
séminaire de l’abbaye de Mortain
jusqu’au baccalauréat. Sur les conseils
de son oncle, médecin généraliste dans
le quartier des Halles à Paris, il s’inscrit
à la faculté de médecine de Paris. Il est
nommé interne des hôpitaux au con-
cours de 1878. Docteur en médecine le
19 janvier 1884, il épouse sa cousine
germaine, Louise-Marie Ménard quatre
jours plus tard. De cette union naîtra
Jean-Louis en 1893, futur médecin
berckois lui aussi.
Le 15 janvier 1885, il reçoit la médaille
de bronze de la faculté de médecine de
Paris pour sa thèse : «De la contribu-
tion à l’étude des tumeurs blanches et
des abcès froids dans leurs rapports
avec l’infection tuberculeuse.» Le 21
août 1885, il est nommé pour 2 ans chef
de clinique chirurgicale dans le service
du professeur Lannelongue. Pour
l’anecdote, il devient médecin suppléant
des postes et télégraphes de Paris la
même année.
L’arrivée à Berck via le concours
de chirurgien de 1891.
A la suite du décès du Dr Pierre Cazin,
le concours de chirurgien de l’Hôpital
Maritime de Berck sur Mer fut ouvert le
22 octobre 1891 par l’Assistance
Publique (AP). Victor Ménard s’y inscrit
parmi 6 autres candidats dont un autre
ancien interne des hôpitaux de Paris, le
Docteur François Calot. La lecture des
archives de l’AP a permis de retracer
pas à pas, épreuves après épreuves, le
concours où très vite 2 candidats vont
rester en lice : Ménard et Calot. La joute
fut incertaine au fil des épreuves
théoriques, pratiques, examens de
malades. Le 6 novembre, le jury
proclama les résultats : Jacques Calot :
97 points, Victor Ménard : 98 points. Le
10 novembre 1891, V. Ménard est
nommé officiellement chirurgien de
l’Hôpital Maritime de Berck. Le jury était
composé des Dr Kirmisson de l’Hospice
des Enfants Assistés, Lannelongue de
l’hôpital Trousseau, Peyrot de l’hôpital
Lariboisière, Nicaise de l’hôpital
Laennec, Campresson de l’hospice
Qui é tait-il ? Victor Mé nard (1854-1934)
J.C. Lé onard, Ch. Morin (Institut Calot, Berck sur Mer)
Fig 1. : Victor Ménard.
Bicêtre, Ollivier de l’Hôpital des Enfants
Malades et Desmos de l’hôpital de la
Charité.
Dans l’avis administratif, il est précisé
qu’il recevra 6000 francs annuels, jouira
d’un logement, du chauffage et de l’é-
clairage.
Un peu plus tard, le 18 mai 1894, il est
nommé chef du service des Enfants
Assistés de la Seine pour la circonscrip-
tion de Berck.
Petit rappel sur l’historique de
Berck
Dés 1857 des «enfants assistés» placés
par l’Administration dans l’arrondisse-
ment de Montreuil-sur-Mer séjournaient
dans des familles du canton. Le Dr Paul
Perrochaud, médecin inspecteur de l’ar-
rondissement, eut l’idée de proposer
une cure marine à ces enfants scro-
fuleux, couverts de plaies et souvent
cachectiques. Deux femmes sont à l’o-
rigine de cet hébergement et du bienfait
de l’air marin sur ces enfants dénutris
des ghettos parisiens. Le nom de Marie-
Anne-Toute-Seule (car veuve) fait partie
de l’histoire berckoise (Fig ; 3).
En 1861 le Petit Hôpital (Fig. 4) est créé
par l’AP à l’exemple de Margate
(Royaume-Uni) en 1750 et de Viarrego
en Italie en 1856. Il accueille 50 garçons
et 50 filles aux bons soins du Dr
Perrochaud et des sœurs franciscaines.
L’impératrice Eugénie, épouse de
Napoléon III, craignant une coxalgie
pour son fils, vient à Berck en 1864. Une
extension à 700 lits est réalisée en 1869.
Le Grand Hôpital (Fig. 5 et 6) était né et
inauguré par l’impératrice Eugénie, son
fils, le baron Haussmann et le baron
James de Rothschild dont l’épouse sera
par la suite un grand mécène pour les
hôpitaux berckois. En 1870, l’hôpital
Napoléon doit changer de nom et
devient l’Hôpital Maritime de la ville de
Paris avec des aménagements réguliers
pour aboutir à une capacité de 1400 lits
entre 1919 et 1939.
Victor
Ménard
et
l’Hôpital
Maritime (1891-1919).
Il arrive donc en 1891 et sera le
chirurgien dont la carrière sera la plus
longue dans cet hôpital. Avant lui il y eut
le Dr Paul Perrochaud (1869-1879),
puis son gendre le Dr Pierre Cazin
(1879-1891), et après lui, les Drs
Etienne Sorrel (1919-1930), Richard
(1930-1945), Gérard-Marchand (1945-
1949), et Debeyre (1959-1980) avec
pour adjoints les Drs Meary, Duparc et
Ramadier dès 1969. Durant cette longue
carrière, V. Ménard dut, seul, soigner et
administrer pendant une longue période
de travail à Berck.
La lutte contre les infections
nosocomiales.
Les enfants indigents du département de
la Seine sont admis à titre gracieux,
mais ils doivent se soumettre avant leur
départ à un examen médical aux consul-
tations externes de l’hôpital Trousseau
(ex-hôpital Sainte Eugénie) et de l’hôpi-
tal des Enfants Malades. Six mois par
an, une rotation d’enfants a lieu le
dernier mardi de chaque mois au départ
de Berck et le samedi suivant au départ
de Paris pour occuper les lits
disponibles. Très vite, deux rotations
mensuelles eurent lieu en raison du
nombre élevé de malades. A cette occa-
sion, V. Ménard dut alerter le conseil de
surveillance car des enfants qui présen-
taient des pathologies non tuber-
culeuses (encéphalopathies, épilepsies,
grabataires...) étaient joints au convoi.
Le convoi ferroviaire de Paris apportait
selon un programme immuable des
enfants en état de santé extrêmement
précaire, puisque certains mourraient
durant le transport, tuberculeux par déf-
inition, mais aussi porteurs de pédicu-
loses, teignes, maladies éruptives et
contagieuses (scarlatine, rougeole,
coqueluche, diphtérie...) et ceci malgré
les consignes strictes données par
Ménard aux services parisiens d’origine.
En 1894 devant l’épidémie de teigne
récurrente et grandissante, l’hôpital est
fermé et désinfecté avec de grands
moyens : étuves et pulvérisateurs sont
envoyés de Paris avec le personnel infir-
mier ad hoc. Victor Ménard demande
alors la création d’un lazaret à distance
des bâtiments principaux avec boxes
vitrés sous précautions hygiéniques
majeures : une véritable mise en quaran-
taine à la moindre suspicion de maladie
contagieuse. Il avait vent de la rumeur
publique berckoise que l’on peut
traduire en ces termes : «les Parisiens
nous ramènent toutes leurs maladies...»
Tuberculose et air marin
Conscient de l’absence de traitement éti-
ologique de la tuberculose, Ménard
développa au mieux le contact entre les
éléments naturels, eau et air, pour que
les enfants puissent combattre les
carences vitaminiques et nutritionnelles
dont ils souffraient. Il fit remettre en état
la piscine intérieure en eau de mer et
ceci malgré l’ensablement régulier des
pompes d’amenée, installer le chauffage
à proximité de la piscine (question de
bon sens jusque-là négligée), installer
de grandes tentes à la belle saison pour
que tous les enfants, grabataires ou non,
puissent être aérés. Il a été retrouvé ses
prescriptions diététiques fixant une
ration protéino-calorique moyenne et
faites du bon sens qui a toujours carac-
térisé sa vie professionnelle.
Pour compléter les soins à ces enfants
souvent très jeunes et coupés de leurs
familles pendant très longtemps, Victor
Ménard a toujours demandé à son
administration que soient poursuivies la
scolarisation, les activités ludiques et
éducatives, les animations surtout pen-
dant la saison estivale. Le «Bon Papa
Ménard» poursuivait l’œuvre de son
prédécesseur, le Dr Perrochaud.
Le service de radiologie
Röentgen découvrit le principe de radio-
graphie en 1895. Dés 1900, V. Ménard
demande un appareil à rayons X à l’ad-
ministration : celle-ci ne voit que gadget
et attraction de foire. Son ami, le phar-
macien berckois Touhladjian, décide par
contre de se munir de cet élément de
diagnostic moderne dès 1901. Ménard
écrira plus tard : « la durée de pose varie
: une minute et demie à trois minutes
pour les enfants ; cinq, huit jusqu’à dix
ou douze chez les adultes pourvus
d’embonpoint.» C’est ainsi que pendant
8 à 9 ans les enfants hospitalisés se fer-
ont radiographier en ville, y compris les
grabataires, avant que l’administration
ne se décide à se doter d’un laboratoire
de radiographie. Le prix de revient de
ces clichés n’était pas moins onéreux
que chez le pharmacien ! Le Dr Jacques
Calvé sera le premier responsable de
cette unité.
Les collaborateurs
Jusqu’en 1895, un concours spécial
pour l’internat de Berck était proposé.
Ménard fit supprimer ce concours dis-
criminatoire et obtint des postes d’in-
ternes au concours ordinaire des hôpi-
taux de Paris. Ménard était alors le seul
chirurgien pour 700 malades et 400
enfants assistés répartis dans d’autres
établissements
berckois.
L’administration publie en 1903 ce
compte rendu laconique : « le conseil de
surveillance se soucie de la charge de
travail de l’unique chirurgien...» en
accordant en 1907 !!! Les premiers
postes d’assistants. Jacques Calvé,
l’homme de l’ostéochondrite de hanche
et de la vertebra plana, et Jean-Louis
Andrieu furent les premiers.
Victor Ménard : le chirurgien
Relisons ce que disait de lui un de ses
élèves : « Les maîtres, en général,
enseignent ce qu’il faut croire : M.
Ménard défend de croire», et ceci : « M.
Ménard n’aime pas beaucoup les
hypothèses ni les raisonnements médi-
caux...» Il rappelle « Vous avez des
yeux, regardez et sachez voir ! «
Contrairement à ses collègues de
l’époque, il n’écrivit que... deux livres : «
Etude pratique sur le mal de Pott « en
1900 et « Etude sur la coxalgie» en
1907 (Fig. 7). Il mit cependant au point
le protocole unanimement reconnu de la
prise en charge du traitement de la
tuberculose
osseuse,
selon
des
principes suivis jusqu’à l’ère de l’an-
tibiothérapie spécifique en 1944. Le
cycle évolutif de la tuberculose est bien
compris par le chirurgien berckois, il
sera partout connu sous le nom de
« cycle de Ménard ». Citons Jacques
Calvé dans son ouvrage sur la tubercu-
lose ostéo-articulaire paru en 1935 :
« L’originalité de l’évolution de la tuber-
culose ostéo-articulaire, il faut arriver
jusqu’à Ménard pour la mettre à jour. »
C’est Ménard, en effet, qui a découvert le
dynamisme interne de la lésion articu-
laire, cette possibilité d’évolution
cyclique si cette lésion est placée dans
certaines conditions locales et genres de
traitements. Ménard qui était doué d’un
esprit d’observation aigu, a pu étudier la
tuberculose ostéo-articulaire en savant,
comme un chimiste dans son labora-
toire, un botaniste dans sa serre ; c’est
en biologiste qu’il a pu et a su dégager
cette particularité si singulière de la
tuberculose
ostéo-articulaire
».
Contrairement à toutes les autres locali-
sations où le processus tuberculeux
évolue de façon irrégulière, atypique et
le plus souvent imprévisible, au niveau
ostéo-articulaire et sous certaines con-
ditions de traitement, il va se dérouler
suivant un rythme, une cadence ordon-
née, cyclique, à trois phases.
- la phase d’ensemencement,
avec
au point de vue clinique des œdèmes
péri-articulaires,
une
limitation
douloureuse des mouvements et du
point de vue radiologique, une image
floue et un pincement articulaire.
2
Fig 2. : Dessin représentant Victor
Ménard
Fig 3 : La maison de Marie-Anne-Toute-Seule, premier lieu d’hébergement des enfants
scrofuleux.
Fig 4 : Le petit hôpital maritime.
Fig. 5 : Vue du grand hôpital maritime.
Qui é tait-il ? Victor Mé nard (1854-1934)
J.C. Lé onard, Ch. Morin (Institut Calot, Berck sur Mer)
- la deuxième phase de focalisa-
tion
est silencieuse cliniquement, car le
repos strict et ininterrompu a fait cesser
les contractures et calmé les douleurs.
En radiographie, le flou commence à
disparaître et les contours du foyer se
dessinent. C’est au stade terminal de
cette deuxième phase que va apparaître
l’abcès froid, annoncé par une recrudes-
cence de la fièvre et par une reprise des
douleurs qui font pousser au malade le
« cri nocturne de Ménard ».
- la phase de cicatrisation
boucle
le cycle. L’abcès froid, soit après une
série de ponctions, soit naturellement, a
disparu. L’articulation est froide, sèche
et indolore. C’est l’ankylose, « solide et
absolue » qui va signer la guérison, du
moins chez l’adulte, car chez l’enfant, la
conservation d’une certaine mobilité est
possible. Sur la radiographie, le foyer
apparaît nettoyé et délimité nettement
par une zone d’ostéite condensante
l’encerclant de toute part, sorte de liseré
noir comme tracé à la plume : la bordure
de deuil de Ménard. Cette guérison
demande de la patience. Combien de
temps ? «Le temps que vous voudrez
disait Ménard à ses élèves, mais pas
moins de trois ans ».
Victor Ménard consacrera un vaste
ouvrage à la coxalgie. Il décrira très pré-
cisément la sémiologie radiologique
alors balbutiante, et en profitera pour
laisser son nom au « cintre cervico-
obturateur ». Quant à la prise en charge,
elle est définie par l’expérience du clini-
cien et la notion de temps, faute de
mieux, l’emporte sur l’interventionnisme
: « L’expérience apprend, au contraire,
que la coxalgie reste souvent bénigne,
indéfiniment, pourvu que le malade
reste soumis aux deux conditions
essentielles du traitement : repos absolu
de la hanche et hygiène favorable
jusqu’à l’épuisement complet de la cul-
ture tuberculeuse. L’interruption même
tardive du traitement, au bout de 12, 18,
24 mois et parfois davantage, compro-
met le résultat d’une manière irrémédia-
ble.»
Dans le mal de Pott, il va codifier la
prise en charge par cette phrase : « le
pottique doit être couché, fixé, lordosé,
aéré ». Il critique la technique de
redressement brusque des cyphoses
pottiques (technique qui venait de ren-
dre célèbre François Calot) et consacre
vingt pages de son ouvrage sur le mal
de Pott à démontrer les dangers de cette
méthode. Il est de ceux qui condamnent
l’abord chirurgical des abcès froids pot-
tiques. Faute de mieux, Ménard injectera
du thymol camphré dans les abcès
froids, pour les « ramollir » avant de les
évacuer par ponction. C’est sans con-
teste dans le domaine du traitement des
paraplégies pottiques que les positions
de Ménard sont les plus en avance sur
son époque. Les principes thérapeu-
tiques qu’il va énoncer face à cette com-
plication majeure de la tuberculose
vertébrale sont d’un modernisme éton-
nant. Tout d’abord il confirme l’impor-
tance du repos souvent suffisant à faire
régresser les déficits neurologiques.
Très rapidement il se rend compte des
résultats désastreux des « lamnec-
tomies « (sic). Et il écrit : « La laminec-
tomie a pour premier inconvénient d’être
grave par elle-même... créant en arrière
une perte de substance opératoire qui
empêchera de lutter contre les progrès
de l’inflexion. Elle est inefficace car l’a-
gent essentiel de compression siège en
avant de la moelle dans le foyer tuber-
culeux et que les arcs postérieurs ne
sont pas même en contact avec la
moelle comprimée. « Il va alors pro-
poser un traitement chirurgical logique
des paraplégies par abcès froid à une
époque où les abords antérieurs
transthoraciques du rachis étaient irréal-
isables. C’est en juillet 1893, un peu par
hasard que Victor Ménard a l’idée de la
décompression médullaire par ouverture
latérale du canal rachidien. « Alors que
je réalise une laminectomie pour para-
plégie complète et ancienne chez une
fillette de 10 ans et demi, un incident
opératoire survint. Au moment où, après
avoir enlevé la partie médiane d’un arc
postérieur, j’attaquais avec la pince
gouge ses parties latérales, un flot liq-
uide grumeleux fit irruption dans la
plaie. Je venais d’ouvrir un abcès tuber-
culeux siégeant sur le côté gauche des
corps vertébraux et offrant un prolonge-
ment postérieur vers le canal rachidi-
en..... Six semaines plus tard la marche
redevint possible sans appui. Telle est
l’origine de notre opération du drainage
latéral dans la paraplégie pottique «.
Cette opération à laquelle s’attache le
nom de Ménard, la costo-transversec-
tomie (Fig. 8), restera la technique de
référence dans les compressions
médullaires
antérieures
jusqu’au
développement à partir de 1956 de la
chirurgie antérieure transthoracique
(Hodgson).
En matière d’appareillage Ménard va
perfectionner les systèmes d’immobili-
sation pour le rachis ou la hanche du
tuberculeux de telle façon qu’une immo-
bilisation rigoureuse n’empêche pas
l’enfant de bénéficier des bienfaits de
l’air marin. La gouttière dite de Bonnet
sera
adaptée
par
Kirmisson
et
Lannelongue puis par Ménard : ceinture
pectorale ou brassière, contre-appui
vertébral si nécessaire, immobilisation
des membres inférieurs tout en main-
tenant l’extension (Fig. 9). De cette
manière, les malades peuvent être
déplacés et aérés.
La confection de corset plâtré se
généralise. Ménard avait cet enseigne-
ment : « Tous les chirurgiens doivent
savoir gâcher du plâtre, à mouler à la
consistance
convenable...».
Il
enseignait que le plâtre devait respecter
les courbures, ne pas être traumatisant,
et être progressif dans la correction des
déviations. Pour la coxalgie, l’appareil
plâtré inamovible « est le seul traitement
de la douleur». A la phase de stabilisa-
tion, il fait confectionner un appareil de
soutien en silicate de potasse le plus
souvent.
La guerre de 1914-1918 avec un front
distant de 100 kilomètres de Berck
amena de nouvelles préoccupations à
Ménard, puisque l’Hôpital Maritime fut
réquisitionné et dut accueillir des
adultes en plus des enfants tuberculeux.
Il cumula les fonctions de chirurgien
chef et de médecin inspecteur militaire,
charges dont il s’acquitta avec compé-
tence et détachement comme l’indiquent
les lettres de remerciement des autorités
militaires à l’armistice. Pour l’anecdote,
François Calot, le candidat malchanceux
au concours, avait réussi à ne pas faire
inspecter ses soldats malades par
Ménard. Peu belliqueux, ce dernier ne
s’y opposa point. Le comportement
médical et relationnel différenciait ces
deux médecins berckois.
Ménard, un humaniste.
Homme de bon sens, «bourru», et en
même temps timide, Victor Ménard a
laissé de profonds souvenirs à ses con-
temporains. Il n’avait pas d’idées reçues,
de prescriptions toutes faites, et il impo-
sait l’observation du malade et l’humilité
dans le diagnostic. Son enseignement
permanent auprès de ses internes, puis
à l’occasion de ses Cours de Vacances
annuels, confirme l’aura de cet homme
modeste, généreux, désintéressé. Il a
créé l’Ecole de l’Hôpital Maritime,
fréquentée par des médecins de nation-
alités diverses. Il a constitué une collec-
tion de pièces anatomo-pathologistes
remarquable.
Son ami, le pharmacien Touhladjean
rappelait au cours de l’éloge funéraire de
Victor Ménard, la phrase de ce dernier :
« Pour être médecin, il faut d’abord
avoir une conscience ! Sans conscience,
on devient vite un forban.».
Atteint par la limite d’âge en 1920, il
quitte l’Hôpital Maritime avec le titre de
chirurgien honoraire. En retraite à Paris,
il revient à Berck au décès de son
épouse en 1933. Il est accueilli chez son
fils, Jean-Louis. Il décédera à Berck le
19 novembre 1934 et sera inhumé au
cimetière Montparnasse de Paris aux
côtés de son épouse.
In memoriam
Victor Ménard a reçu de son vivant
plusieurs distinctions pour ses services.
En 1890 il est nommé chevalier de l’Ordre
de la Couronne d’Italie (Humberto Ier). En
1905, il est nommé chevalier de l’ordre
national de la Légion d’Honneur, puis en
1921 il est promu officier. En 1914, il reçoit
l’Ordre Royal de Saint Sava de 3e classe,
au nom de Pierre Ier de Serbie. La légende
ou la réalité... rapporte un voyage à la cour
de Russie et des soins donnés. Par contre
il est sûr qu’un certain nombre d’enfants
russes ont été soignés à Berck par Ménard.
Remerciements
à Michèle et Guy
Crépin et à Catherine Lys-Cousin pour
nous avoir autorisés à prendre de nom-
breuses
informations
dans
leur
merveilleux livre « Un hôpital crée une
ville «, au docteur Edithe Ménard, petite
fille du chirurgien, qui nous a confié
quelques détails de la vie de son parent
célèbre.
3
Qui é tait-il ? Victor Mé nard (1854-1934)
J.C. Lé onard, Ch. Morin (Institut Calot, Berck sur Mer)
Fig. 6 : Autre vue du grand hôpital maritime.
Fig. 7 : Etude sur la coxalgie.
Fig. 8 : Dessin de la costo-transversectomie, extrait du livre de Ménard « étude pratique
sur le Mal de Pott »
Fig. 9 : Brassière et gouttière de Ménard.
Fig 10 : Le transport des enfants de l’Hôpital Maritime vers la plage dans un chariot sur
rail vers 1912.
Le cintre cervico-obturateur de Mé nard
A. Delvalle, F. Delaunay, P.M. Delforge, H. Leclet, C. Morin
Institut Calot (Bercq sur Mer)
4
Dès 1907, à une époque ou un cliché
de bassin pouvait nécessiter 10 min-
utes de temps de pose, Victor Ménard,
dans son ouvrage « Etude de la coxal-
gie » consacre un chapitre à la radio-
graphie. Il décrit le cintre cervico-obtu-
rateur auquel il laissera son nom.
Sur une incidence réalisée strictement
de face, le cintre est un arc qui suit le
bord supérieur du trou obturateur et se
prolonge par le bord inférieur et interne
du col, en conservant le même degré de
courbure. L’harmonie de cette courbe
n’est interrompue que par l’ischion.
(fig.1)
En 1911, Shenton reprend cette descrip-
tion dans son livre « Diseases in
bone », et précise que si l’ossification
du bassin n’est pas achevée, l’observa-
teur tracera la ligne imaginaire horizon-
tale qui assurera la continuité har-
monieuse entre le bord interne du col et
le bord supérieur du trou obturateur.
(fig.2)
Dès lors, la grande popularité de la ligne
de Shenton dans les pays anglo-saxons
et du cintre de Victor Ménard, en France
va reposer sur leur rupture. Celle-ci,
sous réserve d’une réalisation parfaite
de l’incidence, signe l’ascension haute
de la tête, donc la subluxation ou la lux-
ation haute quelle que soit sa cause.
Certains auteurs, pour s’affranchir des
conditions techniques (degré de rota-
tion, d’abduction des hanches ou de
bascule du bassin) ne garderont comme
repères que le bord interne du col et le
bord supérieur du trou obturateur, le
premier ne devant jamais se projeter au-
dessus du second.
Plus qu’un simple critère ajouté à l’étude
de la luxation congénitale de hanche, le
cintre de Victor Ménard, né avec la radi-
ologie, est sorti de son cadre originel, a
traversé les années pour devenir partie
intégrante du paysage radiologique d’un
bassin, au même titre que « le U de
Calot » , son contemporain.
Références
1- M
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V
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. Etude sur la coxalgie.
Paris Masson édition. 1907.
2- R
ESNICK
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and joint disorders. 2ème édition, Saunders
édtion. Vol. 5. p 3368.
3- S
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de la hanche chez l’adulte. Masson éditeur;
1968;chapître 3, p52.
4- S
CHELDON
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luxation of the hip. An evaluation of
Shenton’s line. Clinical Orthopaedic and
Related Research. 1966 ; 48, 255
5- S
HENTON
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London , Mc Millan, 1911.
6- T
ACHDJIAN
M
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Orthopedics. Vol. 1. p 139. Saunders édi-
tion. 1972.
Fig 1 : Le cintre du Dr Ménard
Fig 2 : La ligne du Dr. Shenton
Fig 3. Le cintre est « rompu » du côté de la luxation.
La chirurgie endoscopique du rachis
de l’ enfant et de l‘ adolescent
Keyvan Mazda (Paris)
Les débuts de la chirurgie endo-
scopique thoracique remontent aux
années 30. Après plusieurs tentatives de
par le monde en particulier en Corée et
en Hongrie, le mérite reviendra à
l’équipe du Texas Back Institute de pop-
ulariser ces techniques en chirurgie
d’adultes. Les indications initiales
étaient bien sûr la libération antérieure
avant chirurgie postérieure de la scol-
iose mais également les discectomies
thoraciques et les biopsies. Par la suite,
plusieurs équipes à travers le monde
appliqueront cette technique à la
chirurgie du rachis de l’enfant.
Avant d’aller plus loin, il faut être bien
conscient que cette technique n’est pas
une nouvelle chirurgie, mais plutôt une
nouvelle manière de réaliser la chirurgie
classique. Il s’agit en effet de pratiquer
les interventions faites habituellement
par un abord moins invasif. Un des
avantages principaux de ces techniques
est bien sûr l’esthétique, en remplaçant
les larges incisions cutanées que ce soit
de thoracotomie ou de thoraco-phréno-
lombotomie par plusieurs incisions de
taille plus réduite. Le plus grand avan-
tage à nos yeux est surtout l’améliora-
tion des suites postopératoires pour le
confort du patient en particulier sur le
plan de la douleur. Ceci est d’autant plus
important que l’on s’adresse à des
patients insuffisants respiratoires. Ces
techniques permettent en effet de dimin-
uer largement la période critique respi-
ratoire postopératoire.
Il s’agit donc dans notre esprit, simple-
ment d’un plus à la fois esthétique et
fonctionnel qui ne saurait remplacer
totalement les techniques à ciel ouvert.
Dans cette logique, il nous paraît indis-
pensable que tout chirurgien voulant
pratiquer la chirurgie endoscopique du
rachis soit parfaitement aguerri aux
abords à ciel ouvert. En effet, en cas de
moindre problème, il ne faudra pas
hésiter à convertir ces mini-abords en
véritables abords chirurgicaux, parfois
dans un contexte d’extrême urgence. Ce
fait devra d’ailleurs être précisé avant
l’intervention tant aux patients qu’aux
parents en faisant bien comprendre que
la chirurgie endoscopique de la scoliose
n’est finalement que « la cerise sur le
gâteau ».
L’abord du rachis thoracique haut, au-
dessus de T5 est grandement facilité par
endoscopie et est à notre avis un plus
indéniable par rapport à la chirurgie à
ciel ouvert alors souvent délabrante telle
que dans les abords type Cauchoix-
Binet .
Nous développerons ici notre expéri-
ence à Robert Debré où cette chirurgie a
été débutée en 1995, après plus d’un an
d’entraînement hebdomadaire sur l’ani-
mal. Nous avons étendu cette technique
à toutes les indications de la voie
antérieure hormis l’instrumentation
antérieure. Nous séparerons dans cet
article la technique et l’indication en
fonction de l’âge et du poids du patient
car les problèmes, en particulier
anesthésiques, seront alors différents.
De même, nous n’aborderons pas la
chirurgie lombaire par lomboscopie car
notre expérience sur sept patients dont
cinq ont nécessité une conversion à ciel
ouvert nous a fait abandonner cette
technique au profit des mini-abords
vidéo assistés.
La chirurgie du grand enfant au-
delà de 35 kg.
Nous préférons par souci de confort et
donc de célérité du geste chirurgical,
réaliser cette chirurgie sous ventilation
mono-pulmonaire. Chez l’enfant de plus
de 35 kilos, cette ventilation uni pul-
monaire est réalisée de manière clas-
sique par sonde de type Carlins.
L’installation se fait en décubitus latéral
du côté opposé à la convexité comme en
chirurgie classique, la seule différence
dans l’installation est que le bras du
côté de la voie d’abord ne doit pas être
mis sur un appui mais laissé tombant
comme en chirurgie thoracique afin de
ne pas gêner la course de l’optique.
L’opérateur se place en avant du patient,
l’aide en arrière. Deux moniteurs sont
utilisés afin que chacun regarde droit
devant lui, gardant les mains dans son
champ de vision périphérique (Fig 1).
Nous réalisons toujours 3 abords inter-
costaux sur la ligne axillaire antérieure,
l’abord médian étant situé dans l’espace
qui se projette sur la radiographie de
thorax de face au sommet de la convex-
ité de la courbure thoracique. Les deux
autres abords sont réalisés de part et
d’autre à environ deux espaces inter-
costaux.
Le premier abord est fait sous contrôle
de la vue, en s’aidant de petits écarteurs
de Farabeuf. Cette mini voie d’abord
ouverte comprend une incision d’à peu
près 10 mm et l’ouverture de la plèvre se
fera sous contrôle de la vue. Dès que la
plèvre est ouverte, il est indispensable
que par exploration digitale, on élimine
l’existence de toutes synéchies pleu-
rales. Un port à usage unique de 10 mm
est alors introduit puis l’optique est
introduite. Nous utilisons toujours l’op-
tique de 10 mm à 30° d’obliquité. Après
exploration de la cavité thoracique, les
deux autres voies d’abord seront faites
sous contrôle vidéo assisté afin de ne
pas léser les organes viscéraux. Les
techniques sont ensuite parfaitement
classiques si ce n’est que nous avons
abandonné la ligature ou le clippage des
artères pariéto-vertébrales au profit
d’une hémostase soigneuse au bistouri
électrique bipolaire. Cette chirurgie
comprend donc après l’hémostase des
vaisseaux pariétaux viscéraux, une
ouverture de la plèvre puis une discec-
tomie classique aux pinces à disques
achevée par une ostéotomie des corps
vertébraux déformés dans le cas de sco-
liose sévère aux fraises motorisées.
Nous ne mettons en place qu’un seul
port dans la voie d’abord qui est choisie
pour mettre en place l’optique. Les deux
autres voies d’abord sont laissées libres
afin de pouvoir introduire deux , trois
voire quatre instruments dans la même
voie d’abord permettant ainsi de ne pas
multiplier les approches. L’abord du
rachis thoraco-lombaire est réalisé par
phrénotomie verticale, permettant un
abord du disque L1-L2. Le diaphragme
est suturé en fin d’intervention.
Nous réalisons ainsi des libérations de
Fig 1 : Installation du patient, position des opérateurs et des moniteurs.
La chirurgie endoscopique du rachis
de l’ enfant et de l‘ adolescent
Keyvan Mazda (Paris)
5
6 à 7 disques en n’utilisant que 3 abords,
le principe étant que les instruments
soient toujours perpendiculaires aux dis-
ques concernés, l’optique à 30° étant
déplacé d’un port à l’autre, on obtient
ainsi une vision directe du disque sur
lequel on travaille et un abord direct par
les instruments exécutant la résection
discale. En fin d’intervention lorsque
c’est possible, la plèvre est refermée par
agrafage de celle-ci contre le rachis au
moyen d’agrafes métalliques. En fin
d’intervention sous contrôle de la vue, un
drain thoracique de fort calibre est mis
en place dans l’incision inférieure et
celui-ci est retiré sans clampage à 48h.
Cette chirurgie des libérations discales
est la plus fréquente de nos indications.
En matière de chirurgie du rachis de
l’enfant et de l’adolescent, la littérature
récente a prouvé la même efficacité de la
chirurgie réalisée à ciel ouvert qu’à ciel
fermé pour ce qui est des libérations
antérieures thoraciques que ce soit en
expérimentation animale qu’en pratique
humaine.
Nous avons à ce jour réalisé plus de 50
cas sans avoir nécessité de conversion à
ciel ouvert. Les indications plus rares
concernent la traumatologie dans le cas
de burst fractures où est réalisée une
décompression médullaire sous contrôle
de la vue suivie de la mise en place d’un
greffon qui en général est un greffon
prélevé aux dépens du péroné homo-
latéral. Notre préférence va à ce type
d’autogreffe car le diamètre du péroné
étant exactement celui des voies d’abord,
cela permet de ne pas agrandir celles-ci.
Enfin, il faut citer le cas des cypho-scol-
ioses en particulier en cas de maladie de
Recklinghausen. Une particularité de la
chirurgie endoscopique est que dans
notre expérience, contrairement à ce qui
est habituel, ces cypho-scolioses ne
doivent pas être abordées par voie endo-
scopique par l’hémithorax concave
comme il est habituel dans la chirurgie à
ciel ouvert mais plutôt par l’hémithorax
convexe. En effet, compte tenu des voies
d’abord très antérieures, sur la ligne axil-
laire antérieure, les instruments sont
alors, après ouverture de la plèvre parié-
tale postérieure, dans la concavité de la
scoliose rendant ainsi la greffe concave
parfaitement possible et aisée par
l’hémithorax convexe.
La chirurgie endoscopique du
petit enfant de moins de 35 Kg.
Ici, les indications idéales sont bien sûr
les scolioses congénitales. Le geste réal-
isé est le plus souvent une épiphys-
iodèse antérieure convexe, parfois et
surtout en situation thoraco-lombaire,
une résection vertébrale.
La particularité de la chirurgie du tout
petit est la nécessité d’une ventilation
pulmonaire particulière puisque les
sondes d’intubations sélectives de type
Carlins n’existent pas pour les petits
poids. Nous avons opté de la même
manière
que
les
équipes
Nord
Américaines pratiquant cette chirurgie,
pour
l’exclusion
par
bloqueur
bronchique. Notre expérience portant
actuellement sur une vingtaine de cas,
comporte un blocage bronchique par
sonde de Fogarty sous contrôle endo-
scopique endobronchique avec gonfle-
ment du ballonnet à la pression mini-
male afin d’obturer optiquement la
bronche source. Actuellement de nou-
velles sondes sont développées qui per-
mettent d’éviter les écueils théoriques
possibles des sondes de Fogarty en par-
ticulier l’hyperpression source de rupture
bronchique. Il s’agit de sondes à ballon-
net basse pression et oblongue.
L’exclusion pulmonaire obtenue, l’instal-
lation est identique à celle du grand
enfant, à savoir décubitus latéral sans
appui-bras du côté à aborder pendant. Là
aussi, nous utilisons une voie d’abord
antérieure située sur la ligne axillaire
antérieure composée de trois voies
d’abord comme décrites chez l’enfant
plus grand. Nous utilisons là également
le même type d’optique, à savoir de
diamètre 10 et à 30°.
L’épiphysiodèse convexe se fait après
libération du rachis par mode mécanique
manuel et motorisé (Fig 2). Nous avons
également réalisé des vertébrectomies
avec libération médullaire suivies de
corrections de cyphoses et d’arthrodèse
antérieure par greffon péronier dans des
maux de Pott (Fig 3).
Enfin, il faut citer ici également les
libérations antérieures réalisées dans les
scolioses à très forte angulation, au delà
de 120° chez les patients dénutris de
petits poids de moins de 35 kilos.
Notre expérience porte maintenant sur
18 cas à plus d’un an de recul. Cette
technique paraît efficace en matière
d’épiphysiodèse puisque les scolioses
opérées il y a plus d’un an n’ont pas
montré d’évolutivité contrairement au pré
opératoire.
Il faut mettre à part l’instrumentation
rachidienne sous endoscopie dévelop-
pée par les équipes Nord Américaines.
Celles-ci présentent comme principale
originalité l’existence d’un ancillaire et
d’implants permettant d’être mis en place
par mini abord. La difficulté technique
ne paraît pas très importante, en
revanche c’est l’indication à ces tech-
niques qui paraît plus problématique. En
effet, ces instrumentations s’adressent
aux scolioses thoraciques pures sans
contre courbure lombaire, ce qui dans
notre expérience en réduit énormément
l’indication.
En conclusion,
la chirurgie endo-
scopique du rachis thoracique nous
semble être un progrès sur le plan esthé-
tique et sur le plan du confort postopéra-
toire, en particulier sur les douleurs et la
tolérance respiratoire. L’abord du rachis
thoracique haut est de plus grandement
facilité.
Elle ne présente pas de difficultés partic-
ulières, à condition d’un entraînement
rigoureux. La conversion à ciel ouvert ne
doit pas être considérée comme un
échec. Les patients et leurs parents
doivent être préparés à cette éventualité
et l’opérateur doit être parfaitement
aguerri à la chirurgie thoracique à ciel
ouvert qui peut devenir nécessaire en
urgence.
Fig 2 : Discectomie et épiphysiodèse à la pince a disque et à la fraise.
Fig 3 Mal de Pott T12 chez une enfant de 26 mois, décompression et arthrodèse par greffons péroniers.
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