Chapitre 6. Elaborer le plan de la dissertation
Apports théoriques
123
2.4. Le plan dialectique
Ce que l’on a coutume d’appeler le plan « dialectique » est notoirement plus difficile d’accès pour les
élèves que les autres types de plan envisagés jusqu’ici. Ce plan est souvent résumé par la fameuse triade
« thèse-antithèse-synthèse ». A la différence du plan antithétique ou du plan visant à l’expression d’un
accord nuancé, il s’agit d’un plan en trois parties. Comme le résume Lemeunier (2008 : 47-48), la première
partie « tend à valider le jugement soumis à réflexion » (c’est l’étape « thèse »), puis la deuxième
partie
« nuance ce jugement en en montrant les limites » (c’est l’étape « antithèse »), enfin la troisième partie va
« dépasser la confrontation entre ces deux parties » (c’est l’étape « synthèse »). La définition
des deux
premières parties paraît relativement aisée, mais il n’en va pas de même pour la dernière partie consacrée à
la « synthèse ». Si l’on consulte les manuels consacrés à la dissertation, la fonction exacte de cette étape
finale du développement ne se laisse pas facilement saisir. Les auteurs s’accordent certes sur l’idée que la
synthèse doit être un « dépassement » de la contradiction mise en scène dans les deux premières parties.
Toutefois, le sens qu’il convient d’octroyer à ce processus – « dépassement » – n’est de loin pas univoque.
Parfois, « dépasser la contradiction » signifie que l’on parvienne à montrer que la thèse et l’antithèse ne
sont, en dépit des apparences, pas totalement contradictoires et qu’elles peuvent dans une certaine mesure
être conciliées : ainsi, Dupuis, Grossen & Rychner envisagent le cas où la synthèse est « l’établissement
d’une vérité médiane » (séquence n°3, p. 84) et Lemeunier parle de « réconcilier les deux jugements » en
apparence opposés (2008 : 51). Mais il arrive aussi que le « dépassement » reçoive un sens bien plus fort : la
synthèse est alors comprise comme la formulation d’un « nouveau point de vue » par l’élève, qui va ainsi
argumenter « en faveur d’une thèse C nouvelle, supérieure, dépassant les contradictions des thèses A et B »
(Dupuis, Grossen & Rychner, séquence n°3, pp. 28-29). Thyrion va dans le même sens, en évoquant la
« production d’une idée nouvelle par rapport aux thèses en opposition » (2006 : 71).
Dans la définition du plan dialectique que nous proposons ici, le premier sens de ce « dépassement » est
clairement écarté : il nous paraît peu utile, voire contre-productif de définir la partie « synthèse » comme le
lieu où l’élève chercherait à « réconcilier » la thèse prônée et la thèse rejetée, à montrer qu’elles ne sont pas
incompatibles ou encore qu’elles contiennent chacune une « part de vérité ». Cette recherche d’une « vérité
médiane » ou d’un point de vue « nuancé » sur un problème complexe est certes tout à fait louable et même
encouragée dans le genre argumentatif particulier qu’est la dissertation. Toutefois, le problème est qu’elle
n’apporte aucune plus-value par rapport à la conclusion générale qui est de toute façon attendue,
quel que
soit le type de plan choisi
. En effet, qu’il s’agisse d’un plan antithétique, d’un plan à controverse constante
ou encore d’un plan visant à l’expression d’un accord nuancé, la conclusion fera ressortir le fait que
chacune
des deux thèses en opposition comporte sa part d’acceptabilité
(quand bien même l’une est préférée à
l’autre). Typiquement, en vertu de l’exigence de décentrement propre au genre, l’élève y résume les raisons
qui rendent ces deux thèses
acceptables dans une certaine mesure
– mesure qui est déterminée par
l’objectif argumentatif poursuivi (accord ou désaccord prononcé, accord nuancé, etc.).
Une telle conclusion
ne constitue pas une « synthèse » au sens où on peut l’attendre dans un raisonnement dialectique. Pour que
le
jeu en vaille la chandelle, pour que le plan dialectique réponde à une véritable nécessité et qu’une
troisième partie soit requise au sein du développement, la « synthèse » gagne à être définie au sens fort :