la validation a priori de l’existence d’une propriété (dans deux objets distincts
soumis à évaluation),
le désaccord émerge sur le fond de cet a priori , avec
deux variantes possibles : soit le
présupposé est rejeté en bloc (« Armand est aussi/plus/moins charmant que Valentin. – Quoi ? Au contraire, ils
sont affreusement laids tous les deux ! ») ; soit il est reconnu pour un des deux objets considérés, mais pas pour
l’autre (« Ce n’est pas difficile d’être plus charmant que Valentin, celui-ci est tellement laid ! »). C’est exactement le
problème qui émerge quand on analyse l’énoncé-titre de la brochure Swissaid « L’égalité, une chance pour les
femmes comme pour les hommes » : nous avons vu ci-dessus (cf. partie 1.1) que, si une des discussions possibles
pouvait interroger globalement les effets de l’égalité des sexes, une autre discussion (plus probable) trouvait sa
source dans les implications de l’adverbe comparatif « comme », suggérant une symétrie entre les situations
respectives des femmes et des hommes qui peut être sujette à contestation.
Cette deuxième variante (présupposé reconnu pour un des deux objets comparés, mais pas pour l’autre) est aussi
le plus souvent à l’œuvre lorsque l’énoncé opère une
comparaison avec gradation ; ce second cas de figure sous-
tend le déclenchement d’une discussion sous la forme d’une
remise en cause de l’échelle de valeurs posée dans
l’énoncé. Un énoncé traditionnellement proposé dans les méthodes d’enseignement de la dissertation illustre
emblématiquement ce cas de figure : « Une mauvaise expérience vaut mieux qu’un bon conseil » (Paul Valéry
50
).
L’adverbe comparatif « mieux » présuppose dans les deux termes qu’il articule (« mauvaise expérience » et « bon
conseil ») l’existence de la propriété /valeur/ exprimée par le verbe « valoir », et ordonne entre eux une gradation
en termes de teneur de cette propriété. Et là encore, c’est dans cette présupposition que le désaccord trouve son
origine, puisqu’on serait enclin à présupposer au contraire que le « bon » est le seul à valoir quoi que ce soit, alors
que le « mauvais » ne vaut rien du tout...
c. Présupposé d’existence et d’identification Le support de ce présupposé est essentiellement
le déterminant défini (
le ,
la ,
les ) ; un autre support possible (mais
moins fréquent) est
le déterminant possessif (
mon ,
ma ,
ton ,
ta ,
notre ,
nos , etc.). En effet, par le fait même
d’employer un groupe nominal défini pour désigner un référent (ou un GN possessif), un locuteur présuppose
que
ce qu’il désigne ainsi est déjà connu, déjà identifié par le destinataire du discours, et de ce fait l’existence du
référent est également présupposée, manifestée comme déjà validée elle aussi par le destinataire. C’est cela que
l’on entend à travers la spécification
défini .
Dans un énoncé de dissertation, le présupposé d’identification intervient déjà très souvent dans la façon
d’exprimer le
thème de discussion. Comme on l’a indiqué auparavant (voir le chapitre 3 « Rechercher des
arguments »), un tel énoncé prend en effet pour thème une notion (la liberté, le travail, la violence) qui, en
général, est désignée au moyen d’un GN défini. Par là, un locuteur présuppose qu’il n’y a qu’une seule manière
d’envisager cette notion, qu’une seule manière de comprendre la signification du mot qui la désigne. Or nous
avons vu que toute notion est en réalité traversée par des significations plurielles ; si une discussion peut alors
s’engager, c’est que l’