L’état des connaissances sur les risques d’effets indésirables.
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L’état des connaissances sur les risques d’hypertension artérielle pulmonaire d’allure primitive (HTAP) et d’origine médicamenteuse.
Le risque d’hypertension artérielle pulmonaire associé à consommation de Fenfluramine ou de dex-Fenfluramine est considéré comme avéré après les premiers résultats de l’enquête nationale de Pharmacovigilance mise en place pour surveiller le profil de sécurité des anorexigènes en France et les résultats de l’étude épidémiologique dite IPPHS (International Primary Pulmonary Hypertension Study).
Cette étude vient démontrer que le risque de développer une HTAP est 10 à 20 fois plus élevé chez les patients ayant reçu des médicaments relevant de la classe Pharmaco-thérapeutique des anorexigènes que dans la population générale lorsque la durée d’utilisation de ces produits est supérieure à 3 mois.
Dès le mois d’octobre 1995, ces résultats avaient conduit les autorités sanitaires françaises à modifier les conditions de prescription et de délivrance de toutes les spécialités pharmaceutiques relevant de cette classe Pharmaco-thérapeutique afin de limiter leur utilisation. Parallèlement, des arrêtés successifs en date des 10 mai et 25 octobre 1995 dressaient la liste des substances anorexigènes dont l’utilisation était désormais prohibée dans l’exécution et la délivrance des préparations magistrales.
Les études précédentes avaient révélé six (6) cas d’HTAP chez des patients ayant consommé du Benfluorex. Toutefois, dans ces cas, le Benfluorex n’avait jamais été prescrit seul et cette prescription était apparue associée à des prescriptions de Fenfluramine ou de dex-Fenfluramine.
Le 18 juin 1999, cependant, l’Afssaps notifiait à tous les membres du Comité de pharmacovigilance européen un cas d’HTAP diagnostiqué chez une femme traitée durant quatre ans par MEDIATOR 150mg® sans trace d’une exposition à d’autres substances anorexigènes
En 2009 étaient rapportés cinq cas d’HTAP chez des patients utilisant du Benfluorex (Boutet K, FRACHON I. et coll., Fenfluramine-like cardiovascular side-effects of Benfluorex, Eur. Respir. J. 2009 ; 33 ; 684-688).
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L’état des connaissances sur les risques de valvulopathies cardiaques d’origine médicamenteuse.
La possibilité que des médicaments soient responsables de valvulopathies a été évoquée dès les années 1960 avec la mise en cause des alcaloïdes de l’ergot de seigle utilisés comme antimigraineux25.
Au milieu des années 1960, J.R. GRAHAM rapportait le constat d’insuffisances aortiques ou mitrales chez 36 patients traités sur le long terme avec ce type d’alcaloïdes. Dans un tiers des cas, l’arrêt du traitement était associé à une régression totale ou partielle des signes cliniques.
Dès 1974, des constats anatomopathologiques mettaient en évidence l’aspect particulier des remaniements valvulaires observés.
Le 28 août 1997, était publiée par Heidi M. CONNOLLY et coll., dans les colonnes de la revue scientifique New England Journal of Medecine26, une étude relative à des valvulopathies régurgitantes observées chez 24 patientes âgées de 44 ans (+/- 8ans) sans antécédent cardio-vasculaire après une exposition à la Fenfluramine et à la Phentermine. Les atteintes valvulaires décrites dans cette série présentaient un aspect particulier qui les apparentaient aux atteintes observées après une exposition aux alcaloïdes de l’ergot de seigle et les distinguaient des valvulopathies ayant une étiologie autre que médicamenteuse : les valves cardiaques présentaient un aspect blanchâtre et brillant et étaient revêtues de dépôts caractéristiques.
Dans les suites de cette publication, la Food and Drug Administration américaine (FDA) faisait état de 113 cas de valvulopathies déclarées aux autorités sanitaires s’agissant de patients exposés à la Fenfluramine ou à la DexFenfluramine, souvent associées à la consommation de Phentermine.
Cependant, dans le courant de l’année 2000, était publiée par Richard B. ROTHMAN et coll., dans les colonnes du journal de l’American Heart Association titré « Circulation »27, une importante étude démontrant le mécanisme d’implication de la Fenfluramine et de son principal métabolite la Norfenfluramine dans l’apparition de valvulopathies cardiaques et écartant l’implication de la Phentermine. Les auteurs de cette étude invitaient à reconsidérer la sécurité d’emploi de tous les médicaments contenant des principes actifs ou des métabolites susceptibles d’avoir une implication dans le mécanisme pathogène décrit, et particulièrement les médicaments se métabolisant en Norfenfluramine28.
La cadiotoxicité décrite dans cette étude fondamentale se trouvait encore confirmée par des études in vivo menée sur des rats de laboratoire et dont les résultats était publiés en 2007 (European Heart Journal, 2007, 28, 2156-62, In vivo model of drug induced valvular heart disease in rats) et 2009 (DROOGMANS, Cyproheptadine prevents Pergolide-Induced valvulopathy in rats ; an echographic and histological study ; Am. J. Physiol. 2009).
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– L’élément matériel de la tromperie aggravée : les agissements reprochés à chacun des prévenus.
En l’espèce, les classes Pharmaco-thérapeutiques auxquelles le MEDIATOR 150mg® se trouvait rattaché en raison des indications revendiquées par les Laboratoires SERVIER n’exonéraient pas les prévenus de leur obligation d’attirer l’attention des professionnels de santé sur les effets anorexigènes éprouvés de cette spécialité dès lors qu’en 1995 un lien était avéré entre le risque d’HTAP et les médicaments de cette classe.
Le respect de cette obligation d’information apparaissait d’autant plus important que six (6) cas d’HTAP avaient alors été rapportés chez des patients ayant fait l’objet de traitement associant du Benfluorex à de la Fenfluramine ou de la dex-Fenfluramine et que la déclaration spontanée d’HTAP concernant des personnes n’ayant consommé que du Benfluorex pouvait dépendre de cette information.
Simultanément et pour les mêmes raisons, les prévenus étaient tenus, dès 1995, d’informer les professionnels de santé du fait que la Norfenfluramine était un métabolite commun au MEDIATOR 150 mg® et à son principe actif, le Benfluorex, d’une part, et au PONDERAL 60 mg® ou à l’ISOMERIDE 15mg® et à leur principes actifs, la Fenfluramine et la dex-Fenfluramine, d’autre part, et que l’évolution des concentrations plasmatiques de la Norfenfluramine était similaire pour ces trois traitement aux doses thérapeutiques utilisées.
La nécessité impérieuse de cette information apparaissait encore plus grande à compter de la notification du premier cas d’HTAP sous monothérapie de Benfluorex en 1999.
Cette nécessité était encore plus forte à compter de l’année suivante lorsque la cadiotoxicité de la Norfenfluramine fût scientifiquement mise en lumière et que fût nuancée avec l’exclusion de Phentermine la cadiotoxicité des spécialités pharmaceutiques en considération de leur seul effet anorexigène. Dès lors, cette information aurait dû spécifiquement porter sur la cadiotoxicité possible de doses répétées de MEDIATOR 150mg®.
Cette nécessité ne faisait que se renforcer lorsqu’étaient notifiés des cas de valvulopathie concernant des patients n’ayant consommé que du MEDIATOR 150mg®, le 22 février 2003 en Espagne, puis le 19 janvier 2006 en France.
En ne satisfaisant pas à ces obligations d’information, les prévenus ont contribué à la sous déclaration des cas de valvulopathie ou d’HTAP susceptibles d’être attribués à la consommation de MEDIATOR 150mg®, interdisant ainsi une surveillance adéquate des risques associés à cette spécialité pharmaceutique.
La mesure des conséquences de ce défaut d’information est aujourd’hui donnée par le niveau d’atteintes corporelles et de mortalité attribuées par les études statistiques rétrospectives à la consommation de MEDIATOR 150mg®.
Sur la base de ces fautes peuvent être précisés les contours de la responsabilité pénale des personnes morales et physiques visées par la poursuite.
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Les personnes morales.
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Les Laboratoires SERVIER.
Les Laboratoires SERVIER sont un établissement pharmaceutique au sens des dispositions de l’article L.5124-1 et suivants du code de la santé publique.
Ces laboratoires ont été titulaires jusqu’à leur retrait des autorisations de mise sur le marché français et exploitant de deux spécialités répondant à une indication anorexigène, le PONDERAL 60mg® et l’ISOMERIDE 15mg® dont les principes actifs étaient respectivement la Fenfluramine et la dex-Fenfluramine.
Ils ont également été titulaires, jusqu’à son retrait dans les conditions précisées supra, de l’autorisation de mise sur le marché français et exploitant de la spécialité pharmaceutique dénommée MEDIATOR 150mg® présenté sous la forme sèche de comprimés enrobés.
Ils assument en conséquence la responsabilité du fait de cette spécialité dans des conditions normales d’utilisation et sont, par l’effet de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 et en vertu de l’article L.213-6 du code de la consommation dont les dispositions résultent de cette loi, pénalement responsables, à compter de cette date, de la tromperie aggravée commise pour leur compte par leurs organes ou représentants.
Dans ce cadre, Les Laboratoires SERVIER répondent des dispositions mises en œuvre par leur organes ou représentants, en l’espèce leur pharmacien responsable et leur dirigeant social, pour garantir la surveillance et la prévention continue du risque d’effets indésirables graves ou inattendus de cette spécialité tout au long de sa commercialisation, que ces risques soient potentiels ou avérés. A cet égard, ils répondent en particulier :
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Du défaut d’information en temps utiles des professionnels de Santé et du public concernant les effets anorexigènes éprouvés du MEDIADOR 150 mg® et de son principe actif, le Benfluorex, de nature à faire présumer le risque d’effets indésirables graves équivalents à ceux observés à la suite d’une exposition prolongée à la Fenfluramine ou à la dex-Fenfluramine,
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Du défaut d’information en temps utile des professionnels de santé et du public concernant l’existence d’un métabolite commun au Benfluorex, à la Fenfluramine et à la dex-Fenfluramine, la Norfenfluramine, et l’équivalence de la concentration de Norfenfluramine dans le plasma circulant après l’administration répétée de doses usuelles de MEDIATOR 150 mg®, de PONDERAL 60mg® ou d’ISOMERIDE 15mg®,
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Du défaut d’information en temps utile des professionnels de santé et du public concernant la notification de cas d’HTAP sous monothérapie de MEDIATOR 150mg®,
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Du défaut d’information en temps utile des professionnels de Santé et du public concernant l’état des connaissances relatives à la cadiotoxicité de la Norfenfluramine et son implication dans le développement d’effets indésirables graves,
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Du défaut d’information en temps utile des professionnels de Santé et du public concernant la notification de cas de valvulopathies médicamenteuses caractéristiques sous monothérapie de MEDIATOR 150mg®.
La société BIOPHARMA, filiale des Laboratoires SERVIER, a assuré, jusqu’à la suspension et le retrait de cette spécialité pharmaceutique, la distribution en gros du MEDIATOR 150mg®.
Ce faisant, cette personne morale répond, dans les mêmes conditions légales que les Laboratoires SERVIER, des agissements commis de ce chef par ses organes ou représentants et qui étaient de nature à tromper gravement les professionnels de santé et le public sur les caractéristiques du MEDIATOR 150mg®.
A cet égard, il convient de relever que la société BIOPHARMA a activement relayé, jusqu’au retrait de l’autorisation du MEDIATOR 150mg® et au-delà, auprès des professionnels de santé et du public, le discours trompeur suivant29.
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