Defier Hollywood : la diplomatie culturelle et le cinema a l'ere Brejnev



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RI 147 0059


participé à la création de L’Aveu, dont ses protagonistes Yves Montand 
et Simone Signoret
20
. Face à L’Étau, les exécutants pensent exploiter les 
canaux diplomatiques ou des « amis » pour gêner (prepiatstvovat’) la diffu-
sion du film à l’étranger
21
. Mais comme L’Étau fait un « flop », l’ambas-
sade soviétique au Danemark se contente de protester auprès du ministère 
danois des Affaires étrangères pour la publicité donnée au film par la télé-
vision locale, ainsi que pour l’autorisation accordée à Hitchcock de filmer 
sur le territoire danois
22
.
LE DÉFI MANQUÉ
Si l’on se fie aux bilans annuels, la reconquête du terrain est en bonne 
voie : ainsi, en 1966, l’urss, écrit-on, a vendu 481 longs métrages à l’étran-
ger contre 417 en 1965. Le plan de rentrée de devises est rempli à 88,9 % 
contre 70,2 % en 1965, notamment en ce qui concerne « les rentrées de 
devises en provenance des pays capitalistes ». En Europe, l’Autriche, un 
pays où l’affrontement culturel avec les États-Unis est plus important qu’on 
ne l’imagine
23
, est en tête avec 109 longs métrages soviétiques achetés. Hors 
d’Europe, de nouveaux territoires sont occupés par les films soviétiques, 
comme le Paraguay et Haïti. Guerre et paix triomphe au festival de Venise 
en septembre 1965, avant d’obtenir un Oscar en 1968. Ayant coûté la 
somme astronomique, sans précédent pour le cinéma soviétique, de près de 
8,3 millions de roubles, le chef-d’œuvre en rapporte plus du quadruple
24
.
En même temps, les ombres au tableau sont nombreuses : la majorité 
des films soviétiques sont vendus non aux pays occidentaux, mais aux pays 
socialistes ; en France, l’audience du cinéma soviétique est très faible
25

dans de nombreux pays, l’absence de personnel qualifié pénalise la diffu-
sion des films : même doublés, « ils se couvrent de poussière »
26
; le succès 
apparaît fragile, car il dépend non de la masse de films, mais surtout d’un 
seul chef-d’œuvre, Guerre et paix . Or, par définition, les chefs-d’œuvre 
sont rares, ce qui est encore plus le cas de Guerre et paix, l’exemple même 
20. 5/62/91/76-79. Lettre du Goskino (Baskakov), 29 mai 1970 (p. 796).
21. 5/62/91/111-113. Note de l’Union des cinématographes (Mariamov), 18 août 1970 
(p. 830).
22. 5/62/91/114-116. Note du Comité central (V. Chapochnikov, I. Tcherno’outsan et Iou 
Skliarov, respectivement vice-présidents des départements International, Culture et Propagande), 
23 septembre 1970, p. 832.
23. Voir l’ouvrage classique de Reinhold Wagnleitner, Coca-Colonization and the Cold War . The 
Cultural Mission of the United States in Austria after the Second World War, The University of North 
Carolina Press, 1994.
24. Fedor Razzakov, op . cit ., p. 249.
25. Marie-Pierre Rey, « Le cinéma dans les relations franco-soviétiques. Enjeux et problèmes à 
l’heure de la détente, 1964-1974 », in Jean-François Sirinelli et Georges-Henri Soutou (dir.), Culture 
et guerre froide, Paris, pups, 2008, p. 159-172.
26. 5/59/64/50-52. Note du Goskino (Romanov), 9 juin 1967, p. 360-365.
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 14/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 95.214.211.104)


4 novembre 2011 - Revue internationales n° 147 - Revue internationales - 155 x 240 - page 64 / 120
Défier Hollywood : la diplomatie culturelle et le cinéma à l’ère Brejnev
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4 novembre 2011 - Revue internationales n° 147 - Revue internationales - 155 x 240 - page 65 / 120
du film soviétique qui connaît « l’enfer du développement »
27
: si le projet 
naît en 1956, le tournage proprement dit ne commence que le 7 septembre 
1962. En tout, les quatre « séries » de Guerre et paix auront nécessité plus 
de quatre ans de tournage, ce qui en fait un film hors norme sur tous les 
plans
28
. Finalement, l’ennemi principal, les États-Unis, demeure inattei-
gnable. L’argent, le « nerf de la guerre », est d’ailleurs souvent en cause. À 
Berlin-Ouest, acheter ou louer un cinéma est ruineux : cette condition est 
pourtant nécessaire si l’on veut aller chasser sur les terres des Américains 
qui, eux, disposent de quatre cinémas privés, à Berlin-Ouest, Hambourg, 
Munich et Francfort
29
.
Le XX
e
festival de Cannes en 1967 reflète bien ce bilan mitigé : d’un 
côté, la projection de Guerre et paix est un triomphe. La salle est com-
ble pour la séance de la matinée. Lors de la conférence de presse qui 
suit, plus de 200 journalistes sont présents. Les Soviétiques développent 
leurs réseaux : ils entrent notamment en contact avec le célèbre produc-
teur italien Angelo Rizzoli (célèbre pour La Dolce Vita et 8½ de Fellini). 
D’un autre côté, les journalistes s’intéressent moins à Guerre et paix qu’à 
Andreï Tarkovski, un réalisateur qui passe pour un dissident : ils veulent 
savoir pourquoi Andreï Roublev n’est pas présenté au festival. Réponse offi-
cielle : parce qu’Andreï Tarkovski continue d’y travailler et que le film 
n’est pas encore achevé. Un mensonge de plus qui n’aide pas la diplomatie 
culturelle soviétique, car, en réalité, Andreï Roublev, terminé en 1966, est 
alors interdit en urss
30
. Certainement, les Soviétiques sont conscients de 
ces difficultés : dans une posture de justification classique, ils se disculpent 
en accusant le festival de Cannes de ne plus être qu’un vulgaire « marché 
du cinéma », tout bon à appâter le chaland par des « films érotiques ». Il est 
donc logique que le cinéma soviétique n’y trouve pas sa place
31
.
Le bilan pour le deuxième objectif apparaît encore plus mitigé. Tout 
d’abord en ce qui concerne les documentaires sortis en 1965 : Grande 

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