Defier Hollywood : la diplomatie culturelle et le cinema a l'ere Brejnev



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RI 147 0059

Guerre patriotique suscite l’indignation des anciens combattants, blessés par 
un film qui minimise quand il ne tait pas tout bonnement l’aide des États-
Unis à l’urss pendant la guerre. Pour un interlocuteur britannique, le 
film « sape tous les efforts qui ont été entrepris pour créer des ponts entre 
les cinémas des deux pays »
32
Un fascisme ordinaire rencontre le succès en 
27. De l’anglais development hell, phénomène bien connu à Hollywood. Pour le célèbre critique 
américain Roger Ebert, ce film est un témoin unique de son époque et ne peut être reproduit. Voir
http://rogerebert.suntimes.com/apps/pbcs.dll/article?AID=/19690622/REVIEWS/906220301/1023 
(consulté le 1
er
mai 2011).
28. Fedor Razzakov, op . cit ., p. 219-247.
29. 5/59/64/50-52. Information d’Abrasimov, 10 février 1967 (p. 316).
30. Sur Tarkovski, voir notamment David Caute, op . cit ., p. 241-246.
31. 5/59/56/89-96. Rapport de Mosfilm (V. Sourine, directeur) et du Goskino (M. Chkalikov, 
responsable du département des Relations étrangères), 29 mai 1967 (p. 345-350). La mention de 
« films érotiques » fait référence à l’adaptation d’Ulysse par Joseph Strick, alors classée X pour la pré-
sence du terme fuck, terme qui serait selon certains utilisé pour la première fois au cinéma.
32. 5/36/158/165-172. Rapport de l’Union des cinématographes (Rostislav Ioureniev, scéna-
riste), 2 février 1966 (p. 179).
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Andreï Kozovoï
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Autriche et à Berlin-Ouest, mais la version pour la télévision, d’une durée 
de cent vingt minutes (de dix-sept minutes plus courte que l’originale) est 
refusée. De même pour Devant le tribunal de l’histoire . Les studios de télévi-
sion mettent en avant une législation draconienne qui interdit de diffuser 
tout ce qui pourrait ressembler à de la publicité déguisée pour le nazisme. 
Sergio Gambarov, dirigeant de la firme Pegasusfilm, est convaincu que la 
vraie raison est « la ligne antisoviétique de Bonn »
33
.
Pour les longs métrages, la déception est également au rendez-vous. Le 
14 mai 1970, à l’occasion des vingt-cinq ans de la Victoire, les Soviétiques 
organisent la première de Libération à Paris, au théâtre Marigny, une salle 
de 1 200 places
34
. Mais la première ne se passe pas aussi bien que prévu : 
apparemment, la raison principale serait que le propriétaire de la salle a 
mal fait son travail de promoteur, tout comme les responsables soviétiques 
d’ailleurs
35
. À en juger par la couverture donnée par Le Monde, ceci n’est 
guère étonnant. Un article du 14 mai du quotidien affirme que Libération
dont la première se déroule alors à Moscou, « donne une image rassu-
rante de Staline ». Et de citer un spectateur soviétique de la première à 
Moscou qui parle de « glorification » (le Guide est montré à pas moins de 
six reprises, un précédent pour le grand écran). Hasard du calendrier qui 
n’aide pas le film, au même moment a lieu la parution du « testament » 
d’Eugène Varga (des notes rédigées avant sa mort en 1964), dans lequel 
l’économiste
soviétique dénonce l’absence en urss « d’un esprit démo-
cratique vivant, de la liberté d’opinion et de parole, le caractère officiel 
et dogmatique de l’idéologie ». À croiser les deux articles figurant sur la 
même page du quotidien, le spectateur français n’est pas vraiment tenté 
d’aller voir le film
36
. Et Le Monde ne parle pas de la première parisienne 
dans les jours qui suivent, n’en déplaise au rapport du Goskino qui affirme, 
lui, que « tous les grands périodiques ont acclamé la qualité du film »
37
.
Échaudé par le précédent de Paris, le président de Goskino, Romanov, 
annule le projet de location de salle pour présenter le film dans le cadre du 
XXIII
e
festival de Cannes, en mai 1970. Il faut dire aussi que la tendance 
du moment n’est pas vraiment à la glorification de la guerre, comme en 
témoigne la présence à Cannes de 
mash
 de Robert Altman, qui obtient 
cette année-là la Palme d’or
38
. Une tendance au pacifisme dans le cinéma 
américain confirmée l’année suivante avec le Grand Prix spécial du jury 
remis à Quand Johnny s’en va-t’en guerre de Dalton Trumbo. Et finalement, 
sans doute pour les mêmes raisons que celles qui ont suscité le courroux 
des vétérans devant Grande Guerre patriotique, la direction du VIII
e
festival 
international de New York refuse de programmer le film en septembre
39
.
33. 5/59/64/50-52. Information d’Abrasimov, 10 février 1967 (p. 315).
34. 5/62/91/54-55. Note du Goskino (Romanov), 9 avril 1970 (p. 793).
35. 5/62/91/125-129. Note du kgb (Andropov), 16 septembre 1970 (p. 840).
36. Le Monde, 14 mai 1970, p. 7.
37. 5/62/91/76-79. Lettre du Goskino (Baskakov), 29 mai 1970 (p. 795).
38. 5/62/91/54-55. Note du Goskino (Romanov), 9 avril 1970 (p. 793-794).
39. 5/63/154/41-51. Note du Goskino (Romanov), 5 avril 1971 (p. 930).
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Défier Hollywood : la diplomatie culturelle et le cinéma à l’ère Brejnev
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L’urss rencontre également un succès mitigé dans sa stratégie de pres-
sions et de chantages. Ainsi, apprenant que le XIX
e
festival de Cannes 
prévoit de projeter le premier jour, le 5 mai 1966, Le Docteur Jivago (1965, 
David Lean), le film aux cinq Oscars adapté de l’œuvre éponyme de 
Boris Pasternak, interdite en urss, les Soviétiques font savoir qu’ils ne par-
ticiperont pas au festival. Résultat : Le Docteur Jivago est finalement projeté 
hors compétition un autre jour
40
. Mais Cannes tient sa revanche l’année 
suivante, lorsque le film de Robert Hossein J’ai tué Raspoutine, qui a tout 
pour déplaire aux Soviétiques, est projeté à l’ouverture, le 27 avril 1967, 
tandis que Guerre et paix est montré hors compétition le 4 mai
41
.
Au vu de ces résultats plus que ternes pour la diplomatie culturelle 
soviétique, on serait tenté de répondre par la négative à la question posée 
dans l’introduction. Pourtant, les choses sont bien plus complexes, comme 
le montre le cas des coproductions.
DU DÉFI À LA COLLABORATION
Les coproductions apparaissent avec le développement de l’industrie 
cinématographique soviétique, bien avant la guerre. Mais le boom des 
coproductions a lieu avec le développement d’une véritable diplomatie 
culturelle au cinéma. Depuis 1950, on en compte plus de 40, surtout au 
cours de notre période
42
. On collabore naturellement avec des pays avec 
lesquels on a de bonnes relations : sous Khrouchtchev, avec les Français ; 
sous Brejnev, avec les Italiens ; avec la détente, ce seront les Américains au 
début des années 1970
43
. En 1968, pour gérer un domaine en expansion, 
est créé Sovinfilm, institution spécialement chargée de l’épineuse question 
des droits d’auteurs.
L’intérêt des coproductions est évident pour l’urss. Elles contribuent à 
améliorer l’image du régime sur la scène internationale et font de Moscou 
un partenaire fiable dans le domaine des contacts commerciaux. La pré-
sence de stars internationales dans ces films joue un effet psychologique 
de tout premier plan, en conférant à l’urss une aura de « glamour » indé-
niable. Elles sont aussi très intéressantes du point de vue financier, l’urss 
jouant le rôle de prestataire de services en faisant payer le prix fort à ses 
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