Chapitre 2. Quels énoncés soumettre aux élèves ?
Apports théoriques
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« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » (F. Rabelais)
« Une société amnésique devient stérile. » (C. Schwab)
Dans certaines méthodes d’enseignement de la dissertation, ce sont typiquement de tels énoncés qui
doivent conduire l’élève à se lancer (pour reprendre une tripartition souvent proposée) non pas dans un
développement antithétique ou un développement dialogique, mais dans un développement
herméneutique
, ce dernier consistant à « s’engager dans une démarche approbative et explicative » visant à
« éclairer le bien-fondé du jugement, quitte à nuancer son propos ou à en limiter la portée »
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. Or cette
démarche herméneutique pose plusieurs problèmes dans le cadre qui est ici le nôtre, raison pour laquelle
ces énoncés dont la validité est « incontestable » nous semblent devoir être mis de côté dans l’apprentissage
de la dissertation. Premièrement, l’herméneutique n’offre pas à proprement parler une dynamique
argumentative, puisque celle-ci, comme on l’a rappelé ailleurs
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, repose nécessairement sur l’émergence
d’un désaccord possible, sur une opposition entre (au moins) deux points de vue, même si celle-là se
concrétise sur le mode de la nuance et non celui de la contestation frontale. Et, de fait, comme le
mentionnent Dupuis, Grossen & Rychner,
la démarche herméneutique n’est pas tant argumentative
qu’explicative
. Deuxièmement, cette dernière apparaît comme étant contraire à l’un des objectifs essentiels
que l’on cherche à atteindre à travers l’apprentissage du discours argumenté, notamment par le biais
d’énoncés complexes : ne pas simplement justifier des normes (éclairer leur « bien-fondé »), mais les
remettre en question (au moins minimalement),
adopter une posture critique
, même – non, surtout ! – face
aux « évidences ». On peut voir dans ces énoncés « incontestables » un avantage, une forme de simplicité
pouvant faciliter une mise en activité des élèves (pas de thèse adverse à rétablir, pas de contre-arguments à
chercher). En réalité, de tels énoncés ne sont pas « simples », mais
trop complexes
pour être abordés dans
un cadre scolaire, car ils demandent de faire émerger un point de vue opposé dont l’altérité est tellement
radicale que mon langage et ma pensée s’en trouvent paralysés
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.
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