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figure 1. La littérature décrit ce phénomène comme une 

hyperactivité de la neuromatrice de la douleur (pain neu-



romatrix) (22, 23).

Comme nous l’avons déjà dit plus haut, certains patients 

souffrant  de  lombalgies  perçoivent  plus  rapidement  une 

pression  mécanique  exercée  au  niveau  du  doigt  comme 

une  douleur  (hyperalgésie  généralisée).  Dans  une  étude 

impliquant  une  telle  expérience  de  pression,  on  a  égale-

ment mesuré l’activité cérébrale à l’aide de la résonance ma-

gnétique  fonctionnelle  (IRMf).  Chez  les  patients  souffrant 

de lombalgies, on a démontré une augmentation de l’activité 

du cortex somatosensoriel, d’une partie des lobes pariétaux 

(information  sensorielle)  et  du  cervelet  lorsqu’on  exerçait 

une pression sur le doigt, alors que seul le cortex sensoriel 

controlatéral  était  actif  chez  les  sujets  témoins  en  bonne 

santé (9). Toutefois, au cours d’une tâche non douloureuse 

impliquant le tronc (la mise sous tension des muscles trans-

verses  de  l’abdomen  en  décubitus  dorsal),  l’IRMf  a  égale-

ment permis d’observer une hyperactivité du cortex cingu-

laire antérieur, du cortex pariétal et du cortex frontal (24).

Outre des troubles au niveau des fonctions cérébrales, on 

a également observé des modifications structurelles (mor-

phologiques) chez les patients souffrant de lombalgies, et 

ce,  au  moyen  de  la  morphométrie  à  base  de  voxel.  Deux 

études  indiquent  une  diminution  de  la  quantité  de  sub-

stance  grise  au  niveau  du  cortex  préfrontal  dorsolatéral, 

du  tronc  cérébral  et  du  cortex  somatosensoriel  (25,  26). 

Cette perte de substance grise correspond à la diminution 

provoquée par un vieillissement de 10-20 ans. Dans une 

étude, la diminution de la substance grise était corrélée à 

la  durée  des  plaintes  (25).  Dans  l’autre  étude,  on  a  noté 

une forte relation négative entre le caractère désagréable 

de  la  douleur/l’intensité  de  la  douleur  et  la  quantité  de 

substance grise (26). Toutefois, ces deux études ont donné 

des résultats contradictoires en ce qui concerne le thala-

mus  (augmentation  versus  diminution  de  la  substance 

grise  chez  les  patients  souffrant  de  lombalgies)  (25,  26). 

Très  récemment  cependant,  on  a  suivi  une  cohorte  de 

patients souffrant de maux de dos subaigus durant un an. 

Cette étude indique que la diminution de la substance grise 

se produit surtout chez les patients qui évoluent vers une 

chronicisation  de  leurs  lombalgies  (27).  Les  patients  qui 

récupéraient de leurs lombalgies présentaient une diminu-

tion significativement moindre de la substance grise (27).




ORTHO-RHUMATO | VOL 12 | N°3 | 2014

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Enfin, la spectroscopie monovoxel à résonance magnétique 



protonique effectuée in vivo a également permis d’observer 

des modifications neurochimiques telles qu’une diminution 

de la quantité de N-acétylaspartate et de glucose dans le 

cortex  préfrontal  dorsolatéral  (28).  La  diminution  du 

N-acétylaspartate était fortement corrélée à la dépression 

(29). De plus amples preuves en faveur d’une modification 

de l’activité neurochimique chez les patients souffrant de 

lombalgies ont été apportées par Siddal et al. (30). Dans 

leur étude, il était possible de distinguer les patients des 

volontaires  en  bonne  santé  par  le  biais  d’une  méthode 

de reconnaissance des schémas, sur la base des résultats 

d’examens  d’imagerie  (modifications  neurochimiques) 

dans le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur et 

le thalamus (30).

En résumé, nous pouvons dire que des preuves croissantes 

indiquent  que  les  patients  souffrant  de  lombalgies 

présentent tant des troubles structurels que des troubles 

des fonctions, dans certaines régions cérébrales.

LA SENSIBILISATION COGNITIVO-ÉMOTIONNELLE

Les systèmes de modulation centrale de la douleur peu vent 

avoir une influence inhibitrice autant que facilitatrice sur le 

traitement de l’information nociceptive. Les noyaux situés 

dans la partie rostro-ventrale de la moelle allongée (noyaux 

du raphé) et la substance grise périaqueducale et périven-

triculaire  constituent  d’importants  noyaux  pour  les  voies 

inhibitrices descendantes qui se terminent dans les cornes 

postérieures  de  la  moelle  épinière  aux  mêmes  endroits 

(couches I, II et V) que ceux où les fibres nerveuses nocicep-

tives périphériques forment une synapse avec les neurones 

nociceptifs  secondaires  (5).  Etant  donné  que  ces  noyaux 

reçoivent des afférences des cortex préfrontal et cingulaire, 

des amygdales et de l’hypothalamus (31), il semble logique 

que  le  traitement  de  l’information  nociceptive  puisse  être 

très différent en fonction des processus affectifs et cognitifs. 

On sait depuis plusieurs années que le pronostic 

‒ en termes 

de  récupération 

‒  des  patients  souffrant  de  lombalgies, 

chez  qui  des  facteurs  cognitivo-émotionnels  (cf.  drapeaux 

jaunes) jouent un rôle négatif, est remarquablement moins 

bon. L’influence facilitatrice de ces facteurs, projetés par la 

moelle rostro-ventrale et la substance grise périaqueducale 

sur les cornes dorsales de la moelle épinière, peut réduire 

l’inhibition des systèmes de modulation centrale de la dou-

leur,  provoquant  ainsi  une  sensibilisation  centrale.  C’est 

pour cette raison que ceci porte le nom de «sensibilisation 

cognitivo-émotionnelle» (32).

Il n’existe que quelques études ayant examiné le rôle des 

facteurs  cognitivo-émotionnels  sur  la  modulation  de  la 

douleur chez les patients souffrant de lombalgies. On a par 

exemple trouvé des différences significatives sur le plan de 

l’activité  cérébrale  entre  deux  groupes  de  patients  souf-

frant de lombalgies (les groupes ont été distingués sur la 

base  de  «facteurs  cognitivo-émotionnels»  présents  à  des 

degrés plus ou moins marqués) (33), ce qui souligne plus 

avant l’importance de la différenciation des patients souf-

frant de lombalgies.

Bien qu’on sache depuis longtemps que les facteurs cogni-

tivo-émotionnels  jouent  un  rôle  important  chez  les  pa-

tients souffrant de (menace de) lombalgies chroniques, les 

preuves sont limitées pour affirmer que ces facteurs sont 

également liés à la fonction du système de contrôle inhibi-

teur nociceptif central descendant.

DISCUSSION ET IMPLICATIONS CLINIQUES

Contrairement  à  d’autres  populations  de  patients,  tels 

que les patients souffrant d’un whiplash, de fibromyalgie 

et  du  syndrome  de  fatigue  chronique,  seule  une  partie 

des  patients  souffrant  de  lombalgies  présente  des  signes 

cliniques de sensibilisation centrale. Chez ces patients, le 

système  analgésique  endogène  fonctionne  normalement 

pendant un effort. Par contre, de plus en plus d’éléments 

indiquent qu’il peut exister une dysfonction au niveau de la 

transmission nociceptive dans la moelle épinière et qu’on 

note la présence de neurones secondaires ascendants, ain-

si  que  de  troubles  au  niveau  des  structures  anatomiques 

et des fonctions cérébrales chez au moins une partie des 

patients souffrant de lombalgies (cf. référence 34 pour une 

analyse plus détaillée des études).

Les études portant sur la sommation temporelle ont indi-

qué  qu’un  trouble  du  traitement  de  l’information,  via  les 

neurones nociceptifs dans la corne postérieure de la moelle 

épinière,  a  d’importantes  implications  cliniques  en  ce  qui 

concerne  l’intensité  de  dose  des  stimuli  mécaniques  péri-

phériques,  par  exemple,  qui  sont  notamment  utilisés  en 

thérapie manuelle. Chez les patients souffrant de lombalgies 

qui présentent des signes de sensibilisation périphérique et 

centrale, le thérapeute doit faire preuve d’une extrême pru-

dence au sujet de l’intensité de dose des techniques théra-

peutiques  manuelles.  En  effet,  le  système  nerveux  central 

interprète l’intensité de dose à visée thérapeutique comme 

une nouvelle source de nociception, ce qui peut majorer le 

degré de sensibilisation périphérique et centrale.

Chez les patients souffrant de lombalgies, le système anal-

gésique fonctionne efficacement pendant l’effort, contrai-

rement  aux  patients  souffrant  de  plaintes  idiopathiques 

telles que le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie 

ou des affections associées à un whiplash chronique, qui 

sont typiquement très symptomatiques après avoir fourni 




ORTHO-RHUMATO | VOL 12 | N°3 | 2014

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des  efforts  physiques  («post-exertional malaise»).  Chez 



les  patients  souffrant  de  lombalgies,  le  fonctionnement 

efficace  du  système  analgésique  pendant  l’effort  repré-

sente une observation importante. Dans toutes les direc-

tives relatives au diagnostic et au traitement des patients 

souffrant  de  lombalgies,  on  formule  la  recommandation 

scientifiquement étayée selon laquelle le mouvement actif 

supervisé et la participation active sont au centre du pro-

cessus de revalidation.

La  diminution  de  la  substance  grise  est  intrigante.  Les 

zones-clés  dans  le  tronc  cérébral  sont  mises  en  relation 

avec  des  mécanismes  de  contrôle  nociceptifs  inhibiteurs 

centraux. La perte de substance grise dans ces zones-clés 

peut entraîner une diminution de l’efficacité du mécanisme 

de contrôle inhibiteur nociceptif et une sensibilisation, no-

tamment des cornes postérieures de la moelle épinière. Le 

patient perçoit les informations nociceptives comme une 

majoration de la douleur (26). La forte corrélation négative 

entre la quantité de substance grise dans le tronc cérébral 

et  l’intensité  de  la  douleur  étaye  cette  hypothèse  (26).  Il 

est frappant de constater que les modifications au niveau 

du  cortex  préfrontal  dorsolatéral  ont  été  observées  dans 

bon nombre d’études. Le cortex préfrontal dorsolatéral est 

également impliqué dans le système de contrôle nociceptif 

inhibiteur et est aussi mis en rapport avec l’attention vis-à-

vis de la douleur (35). Chez les volontaires en bonne santé, 

on a observé une relation négative entre l’activité au niveau 

du  cortex  préfrontal  dorsolatéral  et  les  pensées  catastro-

phistes liées à la douleur (36). Chez les patients souffrant 

de  lombalgies,  la  diminution  de  la  quantité  de  N-acétyl-

aspartate dans le cortex préfrontal dorsolatéral a été cor-

rélée à la dépression (29). Le cerveau émotionnel joue un 

rôle important chez les patients souffrant de lombalgies; il 

mérite donc qu’on y accorde davantage d’attention lors du 

diagnostic et du traitement de ces patients.

Un  nombre  limité  d’études  ayant  évalué  l’effet  du  trai-

tement  a  indiqué  qu’au  moins  une  partie  des  troubles 

observés au niveau du système nerveux central est réver-

sible. C’est ainsi qu’on a démontré il y a près de dix ans 

que les patients souffrant de lombalgies, à qui on donnait 

des informations expliquant en détail la neurophysiologie 

de  la  douleur,  présentaient  une  diminution  significative 

de  l’hyperactivité  de  la  neuromatrice  de  la  douleur  (24). 

Après cette intervention, seul le cortex sensoriel primaire 

était actif lors de l’exécution d’une tâche non douloureuse, 

tandis qu’une grande partie de la neuromatrice de la dou-

leur présentait une activité avant cette intervention (24). 

Le même groupe d’étude a démontré que l’éducation à la 

douleur  entraînait  non  seulement  une  diminution  de  la 

catastrophisation  de  la  douleur,  mais  aussi  une  amélio-

ration des possibilités physiques (par exemple se pencher 

en  avant).  Les  modifications  des  facteurs  cognitifs  expli-

quaient 60-77% des modifications observées au niveau des 

facteurs physiques (37). Enfin, on a récemment démontré 

que  les  patients  souffrant  de  lombalgies  qui  réagissaient 

positivement à un traitement chirurgical ou conservateur 

présentaient une augmentation significative de l’épaisseur 

corticale du cortex préfrontal dorsolatéral (38). Ici aussi, 

l’augmentation  de  l’épaisseur  corticale  était  corrélée  à  la 

diminution de la douleur et des limitations physiques (38). 

Ces  investigateurs  soulignent  dès  lors  la  réversibilité  des 

troubles touchant les structures anatomiques du système 

nerveux central.

Bien  qu’une  partie  des  mécanismes  qui  contribuent  à 

l’apparition et surtout à la persistance des lombalgies soit 

élucidée, il reste beaucoup à faire pour pouvoir différen-

cier les patients souffrant de lombalgies. Le problème sur 

le plan de la distinction des sous-groupes de patients est 

loin d’être résolu. En ce qui concerne le traitement, il existe 

à présent suffisamment d’arguments indiquant qu’une ex-

plication compréhensible au sujet de la neurophysiologie 

de la douleur (y compris la sensibilisation centrale) sous 

forme d’éducation à la douleur, combinée avec une parti-

cipation active au processus de revalidation, représente un 

important pas en avant. En fonction du vécu du patient, on 

peut élaborer une stratégie thérapeutique optimale, lors de 

laquelle l’activation du patient 

‒ au moyen de revalidation 

cognitivo-comportementale  et  de  revalidation  physique 

ciblée 

‒ occupe une position centrale. Cette approche com-

binée est actuellement évaluée chez des patients souffrant 

de  lombalgies  chroniques  dans  une  vaste  étude  conduite 

par  des  collègues  de  différentes  universités  flamandes*. 

Affaire à suivre !




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