Estimation des coûts en €
Consultations chez le généraliste
11 518 771
Imagerie médicale
36 971 205
Antalgiques
4 652 396
Chirurgie et traitement minimal invasif de la douleur
81 675 161
Stimulation de la moelle épinière
3 301 278
Kinésithérapie
19 312 615
Revalidation
6 754 355
Environ trois quarts de la population souffrent de lom-
balgies à un moment donné. Le caractère récidivant de
ces plaintes entraîne en premier lieu une diminution
de la qualité de vie et une gêne lors du fonctionnement
quotidien du patient, mais il a également d’importantes
implications socioéconomiques. Le rapport du Centre
fédéral d’expertise des soins de santé au sujet des lom-
balgies (1) permet d’estimer quelques coûts en Belgique
(Tableau 1).
Longtemps, le diagnostic des lombalgies s’est ciblé sur une
origine patho-anatomique des plaintes. La majorité des
patients présentent des lombalgies «aspécifiques», ce qui
signifie que la douleur ne peut être attribuée à des troubles
des structures anatomiques des régions lombaire et pel-
vienne (2). L’observation selon laquelle 25% de la variance
au niveau de l’intensité de la douleur peut être expliquée
par la contribution conjointe de facteurs physiques et psy-
chosociaux (3) confirme la nécessité d’études complémen-
taires au sujet des mécanismes sous-jacents de l’apparition
– et surtout de la persistance – des lombalgies.
Plusieurs études conduites auprès d’autres groupes de
patients présentant des plaintes musculosquelettiques
idiopathiques ou inexpliquées et inexplicables ont dé-
montré des modifications au niveau des fonctions du
système nerveux central (4). L’activation prolongée des
neurones de la corne dorsale, par exemple suite à une
(menace de) lésion tissulaire (périphérique) répétée et
permanente ayant une intensité noxique, peut entraî-
ner une sensibilité accrue aux stimuli périphériques des
fibres nerveuses nociceptives (sensibilisation périphé-
rique ou hyperalgésie primaire) et une majoration de la
réaction neuronale dans le système nerveux central, qui
porte également le nom de sensibilisation centrale. La
sensibilisation centrale est définie comme une réaction
accrue (hyperexcitabilité) du système nerveux central à
des stimuli incessants qui sont noxiques ou interprétés
comme tels. Les caractéristiques de la sensibilisation
centrale sont notamment l’hyperalgésie secondaire (une
réaction accrue à un stimulus sensoriel extérieur à la
source primaire de la nociception), l’allodynie (un stimu-
lus qui n’est normalement pas perçu comme nociceptif
est brusquement ressenti comme douloureux) et la dou-
leur référée généralisée (une douleur ressentie à un autre
endroit que la source primaire de nociception) (4).
Ces troubles sensoriels médiés par une relation stimulus-
réponse renforcée constituent la base de l’apparition et
de la persistance de la sensibilisation centrale chez les
patients souffrant de douleurs chroniques. Pendant des
décennies, le cerveau des patients souffrant de douleurs
chroniques a été considéré comme une black box, ce qui
explique qu’on a très peu prêté attention au traitement
de l’information nociceptive dans le cerveau. Les progrès
remarquables enregistrés au niveau des techniques d’ima-
gerie médicale cérébrale ont débouché sur une augmenta-
tion impressionnante du nombre d’études mises sur pied.
Les mécanismes suivants ont notamment été étudiés dans
différentes populations de patients: 1) réorganisation corti-
cale et neuroplasticité maladaptative, 2) activité accrue de
régions cérébrales impliquées dans le traitement des stimuli
nociceptifs, 3) modifications structurelles du cerveau et
4) modifications au niveau de processus neurochimiques (5).
La figure 1 donne un aperçu schématique des zones-clés du
système nerveux central impliquées dans les systèmes de
traitement des informations nociceptives (Figure 1).
Cet article de synthèse traitera successivement des éléments
suivants: 1) les signes cliniques de la sensibilisation, 2) la
dysfonction de la transmission nociceptive au niveau de la
moelle épinière et des neurones secondaires ascendants,
3) la dysfonction des systèmes de contrôle nociceptif
centraux descendants, 4) les troubles du traitement de
l’information nociceptive dans le cerveau et 5) les facteurs
cognitivo-émotionnels en rapport avec la modulation
de la douleur. Enfin, nous commenterons les résultats et
présenterons quelques implications cliniques.
ORTHO-RHUMATO | VOL 12 | N°3 | 2014
31
Figure 1: Aperçu schématique des zones-clés du système nerveux central impliquées dans les systèmes de traitement des informations
nociceptives. Modifié d’après Jänig 1990.
LES SIGNES CLINIQUES DE LA SENSIBILISATION
PÉRIPHÉRIQUE ET CENTRALE
On utilise tant des stimuli thermiques qu’électriques ou
mécaniques pour étudier l’hyperalgésie primaire et secon-
daire chez les patients souffrant de lombalgies. On utilise
le terme d’hyperalgésie «widespread» ou généralisée si on
observe des seuils douloureux abaissés dans des régions
asymptomatiques (comme par exemple le doigt ou le front
chez des patients souffrant de lombalgies).
Les différentes études indiquent qu’il n’existe pas de
consensus au sujet de la présence d’une hyperalgésie gé-
néralisée chez les patients souffrant de lombalgies. Cer-
taines études rapportent une hyperalgésie «widespread»
à des endroits n’ayant aucun rapport avec la région lom-
baire (6-10), tandis que d’autres n’ont pas trouvé de diffé-
rences au niveau des seuils douloureux entre les patients
souffrant de lombalgies et les sujets témoins en bonne
santé (11-13).
L’allodynie a été essentiellement étudiée à l’aide d’expé-
riences animales, mais cependant pas
‒ ou peu ‒ chez les
patients souffrant de lombalgies.
Une étude indique que les régions de douleur référée,
résultant de l’injection d’une solution salée hypertonique
dans le muscle sous-épineux et le muscle tibial antérieur
chez des patients souffrant de lombalgies, sont trois fois
plus importantes comparativement aux régions observées
chez les volontaires en bonne santé (14).
En résumé, nous pouvons affirmer que les études relatives
aux manifestations cliniques de la sensibilisation périphé-
rique et centrale donnent des résultats divergents. Les ré-
sultats dépendent fortement de la méthodologie utilisée et
de l’hétérogénéité du groupe de patients étudiés, souffrant
de lombalgies.
LA DYSFONCTION DE LA TRANSMISSION NOCICEPTIVE
AU NIVEAU DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET
DES NEURONES SECONDAIRES ASCENDANTS
Plusieurs études ont évalué la sommation temporelle ou
«wind-up» en tant qu’élément de la transmission noci-
ceptive bottom-up. A cet égard, on administre un même
stimulus périphérique de manière répétée ou continue,
suite à quoi la réaction des neurones dans la corne dorsale
augmente progressivement. Plusieurs études démontrent
que le seuil douloureux des patients souffrant de lombal-
gies diminue après une stimulation intensive, alors qu’il
reste identique ou qu’il augmente chez les sujets témoins
en bonne santé (11, 13, 15, 16).
Légende:
Hypoth = Hypothalamus,
FLD = faisceau longitudinal dorsolatéral
Cortex frontal
Substance grise
périventriculaire
Substance grise
périaqueducale
Moelle épinière
Cortex
somatosensoriel
Noyau du raphé
Hypoth
Cortex associatif
Télencéphale
limbique
Thalamus
sensoriel
Aire
mésencéphalique
limbique
Thalamus
médial
Nocicepteurs
Réflexes
Moteur autonome
FLD
Dostları ilə paylaş: |