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malgré une faible activité de la maladie. Etant donné qu’à
terme, les lésions articulaires s’accompagnent d’une plus
grande limitation fonctionnelle et d’une diminution de la
qualité de vie, il serait intéressant de pouvoir prédire dès
le diagnostic quel patient est exposé à un risque de pro-
gression radiographique significative. Plusieurs études ont
tenté récemment de développer des matrices de risque
susceptibles d’être utilisées dans la pratique clinique,
afin de prédire ce que l’on appelle la «progression radio-
graphique rapide». Les paramètres cliniques identifiés
comme des facteurs prédictifs et inclus dans ces matrices
comprennent notamment des marqueurs de l’inflamma-
tion (sédimentation, CRP), les érosions présentes au stade
initial et objectivées à la radiographie, le nombre d’articu-
lations gonflées et le statut d’auto-anticorps. Aucune de ces
études n’a toutefois évalué l’effet du tabagisme. Pourtant,
une série d’études conduites avant l’ère des traitements
biologiques avaient révélé que les fumeurs atteints de po-
lyarthrite rhumatoïde développent un plus grand nombre
de lésions radiographiques. Les fumeurs présenteraient en
outre une moins bonne réponse clinique, tant au métho-
trexate qu’aux anti-TNF, dans la polyarthrite rhumatoïde
précoce.
Saidis Saevarsdottir (Karolinska Institutet, Stockholm,
Suède) et ses collègues ont évalué les facteurs prédictifs
de la progression radiographique dans la population de
l’étude SWEFOT.
Dans le cadre de cette étude, des personnes naïves de
DMARD atteintes de polyarthrite rhumatoïde ont débuté
un traitement par méthotrexate. Les participants qui obte-
naient un score DAS 28 inférieur à 3,2 après 3 à 4 mois
(n = 147) sont restés sous méthotrexate. Les autres ont été
à nouveau randomisés, pour recevoir soit de l’infliximab
(n = 128), soit l’association sulfasalazine + hydrochloro-
quine (n = 130). Une cohorte de 269 patients issus des
trois groupes (méthotrexate, méthotrexate + infliximab ou
trithérapie) a été utilisée pour réaliser une analyse multi-
variée. Les chercheurs ont défini la progression radiogra-
phique comme une augmentation ≥ 5 du score de Sharp
modifié par van der Heijde après 1 an.
Sur les 311 patients ayant des images radiographiques dis-
ponibles au début de l’étude et lors du suivi, 79 ont présenté
une progression radiographique. Les paramètres suivants
étaient des facteurs prédictifs indépendants de la progres-
sion radiographique au début de l’étude: érosions, vitesse
de sédimentation et CRP. Le statut de fumeur au moment
du diagnostic était également un facteur prédictif indé-
pendant de la progression radiographique. Le tabagisme
en cours d’étude s’est même avéré être le facteur prédictif
le plus puissant d’une progression radiographique rapide.
Dans un modèle de risque en trois dimensions – basé sur
le comportement tabagique en cours d’étude, les érosions
initiales et la CRP – rendant compte de la progression
radiographique rapide, 63% des participants qui réunis-
saient les trois facteurs prédictifs ont présenté une pro-
gression radiographique, contre 12% dans le groupe qui ne
présentait aucun de ces facteurs. Ces résultats étaient com-
parables pour les hommes et les femmes et pour les diffé-
rents groupes de traitement. Selon les auteurs, cette ma-
trice peut donc aider à identifier précocement les patients
qui ont un risque accru de progression radiographique de
la maladie, quel que soit le traitement choisi sur la base des
résultats cliniques.
Saevarsdottir S, Rezaei H, Geborek P. Current smoking status is a strong predictor of
radiographic progression in early rheumatoid arthritis: results from the SWEFOT trial. Ann
Rheum Dis, publication en ligne, 4 avril 2014.
QUELLES SONT VOS COMPÉTENCES
EN MATIÈRE DE SANTÉ?
Dans une étude transversale, les compétences en matière de santé (une aptitude élégamment désignée par les
Anglais par le terme de «health literacy»), ont été plus fortement associées au statut fonctionnel des personnes
atteintes de polyarthrite rhumatoïde, qu’à la prise de corticoïdes, au statut tabagique ou à l’utilisation de produits
biologiques. De plus, ces compétences n’étaient pas liées au niveau d’éducation. Tels sont les résultats rapportés
par Liron Caplan et collègues dans la revue Arthritis Care & Research.
Les aptitudes ou compétences d’une personne corres-
pondent à sa capacité (et sa volonté) à rechercher, com-
prendre et utiliser des informations relatives à la maladie,
à la santé, à l’auto-prise en charge et à l’offre de soins.
C’est le concept que les scientifiques ont à l’esprit lorsqu’ils
parlent de health literacy, ou de compétences en matière
de santé. Des études antérieures, qui mettaient des com-
pétences en matière de santé en rapport avec l’évolution
d’une polyarthrite rhumatoïde, ne disposaient pas de la
puissance suffisante ou ne tenaient pas suffisamment
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BÉLIMUMAB PLUS TRAITEMENT STANDARD
DANS
LE LUPUS
Le contrôle de la maladie et le profil de sécurité se sont maintenus chez des patients présentant un lupus actif et
recevant du bélimumab en association avec un traitement standard pendant sept ans. Telle est la conclusion for-
mulée par Ellen Ginzler et ses collègues dans le cadre d’une étude en double aveugle, contrôlée par placebo. Les
résultats de cette étude ont été publiés dans The Journal of Rheumatology.
En dépit des récentes améliorations enregistrées en termes
de survie chez les personnes présentant un lupus érythé-
mateux disséminé (LED), cette affection reste associée à
une mortalité significative. Le risque de mortalité accru
est imputable aux pathologies cardiaques, aux pathologies
rénales, aux complications des épisodes sévères de LED et
à certaines tumeurs malignes (hématologiques et cancer
du poumon).
L’identification des biomarqueurs susceptibles d’aider à
prédire l’évolution de la maladie et la réponse au traitement
est déterminante pour assurer une bonne prise en charge
de la maladie. Il est aujourd’hui établi que les personnes
atteintes de lupus et d’autres maladies auto-immunes
surexpriment le facteur de stimulation des lymphocytes B
(BLyS). Des études antérieures ont déjà montré une corré-
lation entre les taux de BlyS et certaines modifications de
l’activité de la maladie dans le LED. Une augmentation des
taux sériques de BLyS serait notamment prédictive d’une
augmentation de l’activité de la maladie.
Le bélimumab, un anticorps humain monoclonal anti-
Ig-G1-lambda, se lie au BLyS humain soluble et inhibe ce
stimulateur de lymphocytes. Une étude de phase II a montré
compte de facteurs d’influence potentiels. Liron Caplan
(Université du Colorado, Denver, Etats-Unis) et collègues
ont étudié la relation entre compétences en matière de
santé et statut fonctionnel en se basant sur une cohorte de
6.052 personnes participant à une étude observationnelle
prospective, qui contrôlait une série de covariables impor-
tantes. Le statut fonctionnel a été évalué sur la base du
score HAQ (Health Assessment Questionnaire). L’alpha-
bétisation en matière de santé a ensuite été évaluée à l’aide
de deux questions validées, examinant les compétences en
matière de santé (à savoir, la question SILS1: «A quelle fré-
quence avez-vous besoin d’aide pour lire des instructions,
des brochures ou d’autres informations écrites fournies
par votre médecin ou votre pharmacien?», et la question
SILS2: «Avez-vous l’habitude de compléter vous-même
des formulaires médicaux?»). Des données étaient égale-
ment recueillies sur les caractéristiques démographiques,
les comorbidités, le soutien social, le niveau d’éducation,
les troubles visuels, les problèmes de mémoire, ainsi que
sur l’utilisation de corticoïdes, de DMARD et de produits
biologiques.
Les chercheurs ont constaté des compétences limitées en
matière de santé chez 7,0% et 4,3% de la population (pour
les questions SILS1 et SILS2, respectivement). Après cor-
rection pour toutes les covariables, les compétences limi-
tées en matière de santé se sont révélées associées à un
score HAQ supérieur de 0,376 point par rapport aux com-
pétences de santé élevées (p < 0,001). Cette relation s’est
maintenue même après correction pour le niveau d’édu-
cation, et les résultats étaient comparables pour les deux
instruments SILS. Des compétences limitées en matière
de santé étaient également corrélées à une moins bonne
observance thérapeutique rapportée par le patient. Par ail-
leurs, les problèmes de vue et de mémoire étaient associés
à un moins bon statut fonctionnel.
Les auteurs font remarquer que leur étude présente une
série de limitations (les questions SILS 1 et 2 portent
uniquement sur des informations écrites; il est probable
que d’autres variables puissent également exercer une
influence…). Toutefois, ils pensent pouvoir conclure que,
dans cette étude, les compétences en matière de santé
étaient plus fortement associées au statut fonctionnel qu’à
la prise de prednisone, à l’utilisation de produits biolo-
giques ou au statut tabagique, et ce indépendamment du
niveau d’éducation. En d’autres termes, les compétences
de santé peuvent jouer un rôle important dans la compré-
hension du statut fonctionnel des personnes atteintes de
polyarthrite rhumatoïde. Des questions simples devraient
permettre au médecin d’identifier, dans sa pratique quoti-
dienne, les personnes ayant des compétences limitées en
matière de santé et qui sont de ce fait exposées au risque
d’obtenir de moins bons résultats.
Caplan L, Wolfe F, Michaud K, Quinzanos I, Hirsh J. Strong association of health literacy with
functional status among rheumatoid arthritis patients: a cross-sectional study. Arthritis Care
Res2014;66:508-14.