a. Présupposé d’un état de fait antérieur Le support de ce présupposé est une
unité lexicale signifiant un processus de transformation , de passage d’un état
à un autre – les deux états étant souvent contraires l’un de l’autre. L’unité lexicale réfère à l’état résultant, mais
implique comme présupposé
l’existence de l’état antérieur . Puisqu’il s’agit de processus, le support est souvent un
verbe (comme « arrêter ») ; mais ce peut aussi être un
nom (en règle générale dérivé d’un verbe, comme « arrêt »).
Avec un tel présupposé, l’élément de
désaccord se spécifie bien entendu selon le noyau du contenu sémantique
de l’unité lexicale servant de support à la présupposition ; on peut tout de même indiquer que le blocage dont le
présupposé est à l’origine provient essentiellement d’une divergence dans
l’évaluation de l’état antérieur présupposé (bon/mauvais). Ainsi, dans l’affirmation de Sarkozy que nous avons déjà commentée ailleurs
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« Le
travail libère l’individu », le verbe « libérer » est support d’un présupposé, puisqu’il réfère lui-même à une
transformation d’état : Sarkozy formule en effet implicitement que, sans travail, dans une situation d’oisiveté ou
de chômage, un individu est de fait aliéné. Or c’est bien entendu en raison de ce présupposé – et plus encore du
fait même que cette opinion soit considérée comme un présupposé, comme une vérité déjà établie, déjà validée –
que surgit un désaccord, si l’on estime au contraire que c’est dans son « temps libre » qu’un individu éprouvera,
précisément, un état de liberté...
Dans d’autres cas de figure (moins fréquents), la divergence touche à
l’évaluation de ce qui conduit à la modification d’état . Par exemple, dans l’affirmation de Gide « Quiconque aime vraiment renonce à la sincérité », le
verbe « renoncer » (qui exprime un changement d’attitude) présuppose que ce qui est abandonné a été toutefois
au préalable désiré, recherché, et que la volonté du locuteur se voit infléchie
malgré elle par une cause supérieure,
moralement plus déterminante. C’est ici que se situe le lieu d’un désaccord possible, dès lors qu’on estime qu’en
amour la sincérité est une valeur « absolue », et qu’il n’existe aucune cause supérieure légitimant l’abandon de
cette valeur morale ; en d’autres termes, le
problème que le présupposé du verbe « renoncer » met au jour tient
dans une divergence de points de vue quant à
une hiérarchie des valeurs morales que l’amour « vrai »
demanderait d’instituer.
b. Présupposé de la distribution d’une même propriété pour deux objets distincts Le support de ce présupposé est un
adverbe opérateur de comparaison . Pour être recevable, pour être cohérente,
toute opération de comparaison présuppose en effet qu’on reconnaisse a priori dans les deux objets comparés
l’existence d’une même propriété – puisque c’est à l’aune de celle-là qu’on évalue la ressemblance entre lesdits
objets. Parmi ces adverbes, certains introduisent une gradation dans la comparaison :
plus ,
moins ,
mieux ,
pis ,
meilleur ,
pire . D’autres au contraire posent une équivalence, sans gradation :
aussi ,
autant ,
comme ,
ainsi ,
même ,
de même .
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Voir le chapitre 3 « Rechercher des arguments ».
Chapitre 5. Construire un problème
Apports théoriques
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Comme la présupposition porte sur