Chapitre 6. Elaborer le plan de la dissertation
Apports théoriques
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L’
ESSENTIEL EN BREF
Le
plan dialectique
est, on le sait, souvent résumé par la fameuse triade « thèse–antithèse–synthèse ». A
la différence du plan antithétique ou du plan visant à l’expression d’un accord nuancé, il s’agit donc d’un
plan en trois parties : la première tend à valider la thèse soumise à réflexion, puis la deuxième s’oppose à
cette thèse en en montrant les limites avant que la troisième ne vienne finalement « dépasser la
confrontation entre ces deux parties » (Lemeunier 2008 : 47-48). Si la définition des deux premières
parties paraît relativement aisée, il n’en va pas de même pour l’ultime étape dite de la « synthèse ». Que
signifie au juste « dépasser la contradiction » entre la thèse et l’antithèse ? Certains manuels consacrés à la
dissertation définissent ce processus comme une recherche de conciliation entre les deux thèses
opposées, qui contiendraient chacune leur part de vérité. Or on voit mal, dans ces conditions, en quoi la
synthèse d’un plan dialectique se distinguerait de la conclusion traditionnelle de tous les autres types de
plans envisagés jusqu’ici. D’autres manuels donnent au « dépassement de la contradiction » un sens bien
plus fort – et c’est l’option qui sera retenue ici : pour que le plan dialectique réponde à une véritable
nécessité, la troisième partie (« synthèse ») est le lieu où l’élève formule une nouvelle thèse
dont la
principale caractéristique est de déconstruire l’opposition entre la thèse prônée et la thèse rejetée.
Ainsi défini, le plan dialectique s’applique dans des conditions très particulières. Il ne devient
véritablement pertinent que si, aux yeux de l’auteur de la dissertation, « aucune des deux positions n’est
satisfaisante » (Thyrion 2006 : 71) : en clair, ni la thèse prônée ni la thèse rejetée ne suscitent l’adhésion.
L’enjeu sera alors de déconstruire l’opposition apparente entre les deux thèses et de proposer un autre
point de vue qui ne se laisse pas réduire à P ou à non-P. Ce processus de déconstruction implique en
général de refuser un (ou plusieurs) présupposé(s) que ces thèses partagent en dépit de leur opposition
apparente : en clair, déconstruire l’opposition, c’est refuser une (ou plusieurs) idée(s) qui ne change(nt)
pas et qui se maintien(nen)t en réalité lors du passage de la thèse à l’antithèse.
Le plan dialectique est difficile d’accès pour des élèves du secondaire 2, particulièrement pour ceux qui
n’ont pas encore engrangé une pratique longue du genre de la dissertation. En effet, pour être en mesure
de choisir un plan dialectique, l’élève devrait d’abord pouvoir sortir de l’idée que l’on est forcément pour
ou contre une thèse, que l’adhésion ou le rejet – même avec des nuances – ne constituent pas les seules
postures possibles. Ensuite, le choix du plan dialectique exige que l’élève parvienne à faire émerger
certains présupposés que véhicule l’énoncé et à critiquer ceux-ci. C’est là une opération difficile sur le plan
cognitif, car les présupposés tendent à être « invisibles » au premier regard. Enfin, l’élève
doit encore
parvenir à formuler une nouvelle thèse pertinente sur la base de son refus des présupposés. Pour toutes
ces raisons, on considère ici que l’apprentissage de ce plan ne constitue pas forcément une nécessité dans
le cursus d’apprentissage de la dissertation au secondaire 2 :
il ne devrait pas, à
notre sens,
se voir
automatiquement mis au programme. Il est sans doute plus judicieux, pour l’enseignant, d’aborder le
plan dialectique au cas par cas, si le besoin s’en fait réellement ressentir.