épaisseur de significations des
unités lexicales qui retiendront leur attention.
b. L’énoncé ne devrait être formé que d’une seule proposition assertive. Comme on l’a dit, il s’agit de garantir que chaque élève saura focaliser son attention sur un enjeu
argumentatif délimité, ceci afin que chacun sache « où » s’arrêter, et puisse notamment nourrir des phases
de mise en commun, sans que l’échange ne dévie (trop) sur d’autres questions éloignant le groupe de
l’objectif pédagogique du moment. Or c’est un risque qui existe lorsque l’énoncé soumis à l’observation des
élèves se compose de
plusieurs assertions :
« Tout est bon sortant des mains de l’Auteur des choses ; tout dégénère entre les mains des hommes. »
(J.-J. Rousseau)
« L’art est fait pour troubler, la science rassure. » (G. Braque)
Pour l’enseignant, il va de soi que, en tant que constituant d’un unique énoncé, chaque proposition
contribue à un sens global, à une opinion articulée – dont la cohérence se marque entre autres parce que
(dans ces deux cas) les propositions s’enchaînent selon une relation d’opposition, sur fond d’un même
domaine sémantique polarisé (Dieu+bien
vs homme+mal chez Rousseau ; art+inconfort
vs science+confort chez Braque). Mais ce serait une erreur pédagogique de présenter ceci comme une
évidence – parce que ce n’est pas le cas en réalité. Pourquoi, en effet, opposer par exemple art et science ?
Cet énoncé se fonde sur
un implicite selon lequel art et science seraient deux modes de connaissance et
d’investigation du réel – implicite d’une part que les élèves recouvreront difficilement, et d’autre part et
surtout que l’on pourrait choisir de soumettre à l’examen argumentatif. Il en va de même pour l’opposition
entre Dieu et l’homme chez Rousseau, qui sous-entend que ce sont là les deux seules causes possibles du
bien ou du mal, ce que l’on pourrait là aussi discuter. Et ne parlons pas du présupposé de l’existence divine,
dont certains élèves prendront plaisir à faire un objet de contestation...
Bien sûr, tout énoncé se structure en partie entre contenus posés et contenus implicites. Dès lors, le sens
d’un énoncé mono-propositionnel est lui aussi constitué d’un ou de plusieurs implicites, que l’opération
plus spécifique d’analyse de l’énoncé a d’ailleurs pour tâche de mettre au jour
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. Mais il s’agit donc là d’une
étape ultérieure dans la progression didactique ; plus encore, si les énoncés syntaxiquement « complexes »
– c’est-à-dire composés de plusieurs propositions, voire de plusieurs phrases – sont à ce stade une source
possible de difficultés, c’est qu’ils multiplient quant à eux la présence de ces implicites ; de même, dès lors
que ces propositions sont faiblement articulées (juxtaposées, par exemple), ces énoncés impliquent un
autre élément masqué comme justification sous-jacente à cette articulation.
8
Voir le chapitre 5 « Construire un problème ».
Chapitre 2. Quels énoncés soumettre aux élèves ?
Apports théoriques
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Plus globalement, on voit que le problème des énoncés syntaxiquement « complexes » réside dans le
fait qu’ils ne garantissent pas qu’un élève débutant saura