Chapitre 3. Rechercher des arguments
Apports théoriques
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Les traits identifiés entretiennent souvent des liens entre eux, offrent des sortes de variations qu’il est
utile de faire constater aux élèves, pour les inviter – s’ils font usage de ces traits – à proposer une gradation,
plutôt que de les considérer comme des éléments strictement distincts. Ainsi, /plaire/, /faire plaisir/,
/protéger/ et /se sacrifier/ – parce qu’ils sont orientés vers le terme /dissimulation/ – paraissent moduler une
même propriété, /vouloir le bien-être de l’autre/ ; en revanche, cette modulation
se fait en fonction
notamment d’une différence d’intensité et d’un effacement progressif de soi (un « soi » encore bien présent
dans /plaire/), qui justifient certainement d’en faire des fondements d’arguments distincts.
Un autre point à faire remarquer touche aux significations enregistrées par un dictionnaire de langue. En
consultant par exemple le Robert (éd. 2013) sous l’entrée « Amour »
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, deux des trois premières
significations méritent d’être relevées : « Disposition à vouloir le bien d’une entité humanisée (Dieu, le
prochain, l’humanité, la patrie) et à se dévouer à elle » ; « Inclination envers une personne, le plus souvent à
caractère passionnel ». Ce qui frappe ici en effet, c’est que ces significations cadrent plutôt avec les traits qui,
dans l’analyse ci-dessus, fondent la relation d’implication entre /aimer/ et /dissimulation/, puisque le bien-
être de l’autre, la dévotion, mais aussi la passion caractérisent le nom « amour » ; cela concorde avec des
traits tels que /faire plaisir/, /protéger/ ou /se sacrifier/. Et ainsi, la position de Gide s’avérerait en réalité non
pas paradoxale, mais nettement plus proche de ce que semble impliquer le sens « strict » d’un nom comme
« amour »... A l’inverse, aucun des traits qui paraissent jouer le rôle de chaînon manquant entre /aimer/ et
/sincérité/ n’apparaît dans les significations enregistrées par le dictionnaire ; c’est dire que cette association
– pourtant extrêmement présente à l’esprit de tout un chacun – dépend d’une
norme socialisée
(construite
notamment par une morale « chrétienne », par la longue tradition de la « courtoisie » amoureuse, ou encore
par l’idéal romantique de fusion des âmes sœurs), et c’est elle qui fait office de doxa. Voilà de quoi faire
réfléchir les élèves sur le rôle des normes dans le point de vue qu’ils portent (peut-être) sur certaines
réalités, et qui affectent le sens qu’ils attribuent aux mots concourant à représenter ces réalités.
Une dernière étape paraît nécessaire : faire écrire un bref texte aux élèves, les conduire à mettre en texte
et à articuler par exemple deux arguments, sur la base des propriétés sémantiques relevées par l’ensemble
de la classe. En plus d’être une occasion de s’exercer à la rédaction (même brève), en plus de répondre à
l’envie de certains élèves qui « brûlent » de s’exprimer, le geste d’écriture offre également un autre aperçu
sur ce qui constitue un argument.
En effet, l’
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